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ENCYCLOPEDIE DES SAVOIR-FAIRE EKANG - ENSAFE

L’Obom ou le tissu traditionnel Ekang

L'Obom tissu traditionnel Ekang

C’est pour ainsi dire un secret de polichinelle, les Ekang se présentent comme un peuple de nobles mieux, de « seigneurs ». Ce caractère majestueux qui leur colle à la peau, fait partie intégrante de leur identité et se décline à travers toutes les formes d’art inhérentes à leur culture : l’artisanat, la littérature orale, la sculpture et la mode. Lorsqu’on évoque spécifiquement la mode de ce peuple, un tissu particulier apparaît comme étant incontournable : l’obom. Balade aux sources et dans les arcanes de la fabrication de ce véritable patrimoine culturel.

Devenu au fil du temps le nom générique qui désigne le vêtement traditionnel Ekang, l’obom est en réalité une essence de bois de la forêt équatoriale dont l’écorce non sans un travail d’experts en la manière, sert à la confection d’un habit à la fois solide et splendide. Depuis des générations, les Ekang ont conservé par-devers eux, les secrets de la fabrication de l’obom. L’industrie de l’habillement moderne a même trouvé en ce tissu, une matière de premier choix pour réaliser des modèles de vêtements d’apparats qui ne laissent indifférents, aucun amoureux de la mode.

L’extraction de l’obom : un héritage emprunté aux Baka

A l’Est Cameroun, les Pygmées Baka sont les principaux pourvoyeurs de cette matière aux artisans Ekang. Francis Meke, artiste peintre et fabricant d’obom installé dans la région du soleil levant, nous a plongé au cœur de ce processus de fabrication que lui-même, qualifie de « travail de très longue haleine ». 

Selon ses dires, l’obtention de l’Obom se fait principalement de manière artisanale. Elle débute par l’extraction de l’écorce de l’arbre qui est ensuite placée au feu pour être attendrie. En second, le tissu est ramolli et pilé à l’aide d’un marteau spécial constitué de bois. Seul cet outil particulier, est d’ailleurs adapté pour cette tâche. Suffisamment martelée, l’écorce est trempée pendant plusieurs jours dans de l’eau pour être débarrassée de sa sève tenace. L’écorce sera ensuite soigneusement lissée pour prendre la forme d’un tissu parfait pour la confection des habits. Après cette étape, vient enfin le séchage au soleil. Certains artisans qui se veulent plus minutieux, procèdent au repassage à l’effet d’octroyer un aspect plus éclatant au produit fini.

 

A en croire Francis Meke, l’Obom ne sert pas qu’à fabriquer des tenues vestimentaires, des sacs et autres accessoires. Le peintre, a expérimenté des toiles dessinées sur des tableaux construits à partie de cette essence végétale, et le résultat n’en est que plus incroyable. A partir du travail de l’obom, le jeune homme réalise des activités multiformes qui assure-t-il, « nourrissent son homme » en dépit des réalités propres aux métiers de l’art.

Retour sur l’histoire du vêtement chez les Ekang

Loin des préjugés coloniaux qui ont longtemps été entretenus par nos systèmes éducatifs, les Africains parmi lesquels les Ekang, n’ont pas découvert le vêtement avec l’arrivée des « Blancs » sur leurs terres. Selon les informations du journaliste et anthropologue François Bingono Bingono, les « seigneurs de la forêt » ont connu dépendamment des périodes de leur histoire, diverses manières de se vêtir.

« L’historiographie du costume chez les Ekang que nous sommes est la suivante. Au départ, nous portions le ‘mendjack’. C’était simplement des feuilles tissées sous forme de cache-sexes pour protéger les parties génitales et le buste. Après le ‘mendjack’, nous avons porté les peaux de bêtes. Ensuite, lorsque le tissage a été développé, nous avons porté des falbalas de raphia tissé. Plus tard, on a découvert l’obom, qui consiste à abattre certaines essences végétales pour obtenir un tissu éponyme. C’est donc l’obom que nous portions lorsque le colonisateur arrive. En Bulu, les noms ‘‘nkam obom’’, ‘‘olos obom’’, ‘‘afo’olo obom’’ désignent les variétés de vêtements qu’on peut confectionner à partir de cette essence », détaille celui qui est par ailleurs, un initié traditionnel.

Tissu traditionnel Ekang Obom

Le raphia : plus qu’une alternative pour l’obom

Comme supra-évoqué, l’obom est une essence de bois précieuse. Eu égard à sa rareté et aux problématiques de protection de l’environnement, des solutions palliatives ont été trouvées par les artisans Ekang pour fabriquer leurs tenues traditionnelles. Parmi celles-ci, figure en bonne place le zam (raphia) qui est de plus en plus utilisé. C’est d’ailleurs ce que nous confie Sa Majesté Marie-Louise Zoa, une couturière qui confectionne ce vêtement patrimonial. « Aujourd’hui, j’utilise seulement l’obom lorsque la personne qui désire la tenue l’apporte. Le raphia est plus accessible et il permet de produire des tenues en plus grand nombre ». D’après les précisions de la cheffe traditionnelle d’Okoa par Soa, la différence entre l’écorce d’obom et le raphia se situe au niveau de la texture et de l’entretien. Particulièrement durs, les habits conçus à partir de l’obom ne se lavent pas contrairement à ceux fabriqués à partir du raphia.

Le fait de remplacer l’obom par le raphia, n’a pas impacté négativement les affaires de Marie-Louise Zoa. Son atelier, qui jouxte sa chefferie, ne désemplit jamais. C’est que, sa renommée s’est propagée au-delà de son Okoa natal, et les chefs traditionnels venus de tous horizons viennent s’approvisionner en vêtement traditionnel dans sa boutique.

Robe marié en raphia

Source photo © Anka Market Place – Minsangui

Jean Michel Ngom : l’as des tenues faites en pur obom

Si vous êtes une personne intéressée de la culture, il vous est déjà certainement arrivé de vous rendre au Centre international de l’Artisanat à Yaoundé. Dans cette maison dédiée à l’art, une salle d’exposition est consacrée aux tenues traditionnelles Ekang. Les petites mains magiques derrière la plupart de ces œuvres agrémentées d’ekop ze (motifs de panthères), sont celles de Jean-Michel Ngom. L’homme a bâti sa renommée en réalisant le costume arboré par le Président Paul Biya lors de sa consécration au titre de « Nnom Ngii ». Originaire du Mbam Inoubou dans la région du Centre du Cameroun, Ngom Obom, comme on l’appelle affectueusement, a établi ses quartiers dans son village à Bafia. La rareté de la matière première dans les grandes métropoles l’a poussé à retourner au plus près de la nature, comme vivaient nos ancêtres, pour pérenniser leur savoir-faire millénaire.

Cedric Zambo

Cédric Mimfoumou Zambo, Rédacteur en Chef de Savoir-Faire Ekang, Yaoundé, Cameroun

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