Elle fait partie de cette caste de journalistes d’origine africaine qui au gré de leur talent, de leur détermination à toute épreuve et de leur professionnalisme pointu, ont su se frayer une place de choix dans la sphère ô combien concurrentielle de l’audiovisuel en Europe. Digne fille Fang de la province de l’Estuaire au Gabon, la journaliste Joëlle Ededeghe Ndong est depuis plusieurs années, cette femme dont la prestance remarquée, le visage captivant et la voix envoûtante embarquent chaque mois, des millions de téléspectateurs du programme mensuel « Bonjour la Santé » sur Canal + Afrique, au cœur de 90 minutes de pure télévision.
Fidèle à sa philosophie de sans cesse mettre en lumière, les personnalités Ekang de tous horizons qui portent haut les valeurs chères à ce peuple, Savoir-Faire Ekang a ouvert les colonnes de sa plateforme, à l’ancienne vedette d’Africa N°1 Paris et de TV5 Monde afin qu’elle évoque sa carrière inspirante et les grands projets qu’elle nourrit ou mène dans son continent et son pays d’origine.
Vous êtes une journaliste gabonaise qui a officié à TV5 Monde et coprésente actuellement le magazine « Bonjour la santé » sur Canal + Afrique, pouvez-vous nous en dire davantage… ?
Mbolo et merci déjà pour votre invitation. Effectivement, je suis journaliste-reporter-animatrice. J’ai été sur TV5 Monde durant à peu près 15 ans. Et je n’y suis plus, car j’ai décidé de continuer mon aventure journalistique dans le groupe Canal+. Depuis cinq saisons maintenant, j’y coanime le magazine santé de la chaîne, « Bonjour Santé », avec le docteur Roger Moyou-Mogo.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?
Après une fac de droit et une école de journalisme, j’ai assez rapidement été prise à la radio panafricaine Africa N°1 Paris à Paris. J’y ai fait mes premières armes dans le métier. J’y ai appris la rigueur, la ponctualité, le goût des autres. Ensuite, j’ai rejoint TV5 Monde pendant que j’étais toujours à Africa N°1 Paris. Je combinais donc radio et télévision. J’ai présenté pendant 8 ans l’émission sports de la chaîne. Du moins, concernant l’actualité Africaine. Étant une personne qui aime se lancer des défis, et après un constat clair où ne voyant aucune femme journaliste africaine spécialiste en cyclisme, j’avais décidé d’être celle-là. Et TV5 Monde m’a fait confiance et j’ai couvert durant un peu plus de 7 ans la quasi-totalité des Tours cyclistes Africains. Entre temps, j’ai lancé mon site internet sur les actualités des suds, allsud.com, avant de rejoindre Canal+ où j’y suis maintenant depuis cinq saisons. Je suis aussi partisane du fait qu’il faut transmettre ce qu’on nous a appris, donc, je fais également des formations en journalisme.
Comment vous retrouvez-vous dans le journalisme ?
Je me suis jetée dedans lorsque j’étais petite (rires). En fait, depuis que j’ai l’âge de 8ans, je veux être journaliste. Je n’ai jamais pensé à aucun autre métier que celui-là. Pourquoi ce métier ? Parce que j’aime informer, partager la vérité, être dans un état d’esprit d’éducation, aller à la rencontre des autres, toucher à tout, faire des rencontres improbables. C’est le métier où on a le luxe de pouvoir côtoyer tous les milieux sociaux.
Quels sont vos liens avec la culture Ekang/Fang
Je suis Fang 100%, comme on dit. Mon feu père était Fang de l’Estuaire, ma maman également. Ils nous ont appris au fil des années, dans notre éducation, à être fiers de nos origines, à connaître notre arbre généalogique par cœur, à connaître nos traditions, à parler la langue, à connaître notre cuisine, à connaître tout simplement notre histoire. La grande comme la petite. Je pars du principe qu’il faut savoir d’où l’on vient pour mieux avancer. Ne pas être déraciné car ce sont nos racines qui nous rendent solides et droits dans nos bottes. Et il y’a une certaine fierté chez l’Homme Fang qui fait qu’on n’est pas n’importe qui.
Que faites-vous à votre niveau pour valoriser vos origines ?
Je n’ai pas besoin de valoriser mes origines. Je suis qui je suis : une Ekang. Ma vie, mon nom, Ededeghe Ndong, ma personnalité sont des valeurs sûres. Je parle le Fang, je connais ma culture, je les véhicule autour de moi et chez mes enfants. J’aime écouter le Mvet. C’est mon ADN.
Vous exercez aujourd’hui en France, pensez-vous à mettre votre expérience au service de votre pays ou continent dans un avenir proche ?
Je partage déjà mon expérience et expertise avec les plus jeunes. Je pars du principe qu’on ne peut pas garder pour soi ce qu’on a appris. J’aime beaucoup l’idée de transmission. C’est d’ailleurs ce que votre site fait : transmettre. Le métier de journalisme, c’est aussi et avant tout cela : transmettre. Je fais des formations gratuites par exemple dans le cadre d’un séminaire d’échanges de compétences, les « Sambas Professionnels » qui ont lieu tous les ans au Gabon, créés par une jeune Ekang d’ailleurs, Josiane Matene Delongueur. Mais je forme aussi dans d’autres pays du continent. Et mon objectif absolu est de créer dans mon pays, une École de journalisme de renom.
Que pensez-vous d’un projet comme Savoir-Faire Ekang qui met en lumière la culture et les personnalités de cette communauté ?
Je trouve que c’est une très belle initiative, surtout pour les plus jeunes qui tendent un peu trop souvent à oublier d’où ils viennent. C’est vrai que c’est la mondialisation, mais certains veulent beaucoup plus s’américaniser qu’autre chose.Et puis, c’est important d’avoir des référents. Une jeune fille Ekang sera beaucoup plus inspirée par une autre Ekang. C’est la loi de la proximité. Elle se dira, on vient du même endroit, si elle a réussi à faire ça, je le peux aussi. Et puis, il faut arrêter de laisser les autres raconter notre Histoire. Qui est mieux placé que nous pour nous raconter.
Quels sont les avantages et inconvénients (s’il y en a) à être une journaliste célèbre de votre trempe ?
Il faut dire que j’ai eu énormément de chance car juste à la fin de mon école, j’ai été prise à Africa N°1 Paris. Je dis souvent qu’au-delà d’être une passion, ce métier est pour moi une vocation. En tout cas, c’est comme ça que je le vis. Les avantages, c’est bien évidemment que beaucoup de portes nous sont ouvertes, le matin on peut interviewer un jeune entrepreneur et le soir un chef d’Etat. C’est un métier qui forme à la confiance en soi. Il m’a appris la rigueur, la détermination, l’audace. Si je pouvais parler d’inconvénients et encore, ce serait peut-être que parce que je passe à la télévision, je suis scrutée, je n’ai quasiment pas droit à l’erreur et lorsqu’on est comme moi, très portée aussi sur le développement personnel, on est énormément suivi et on doit rester un modèle.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui vous prennent comme modèle et veulent vous ressembler ?
Chaque personne est unique. C’est vrai qu’il faut s’inspirer de personnes qu’on admire mais il ne faut pas les singer. Et s’ils veulent faire du journalisme, il faut que ça soit d’abord une passion. Ensuite y mettre du cœur et de l’esprit, être rigoureux, ami de la vérité, ne pas avoir peur d’être jugé. La principale qualité d’un journaliste, c’est la curiosité. D’ailleurs pour la petite anecdote, le sens de mon nom Ededeghe, c’est une personne qui regarde partout. A défaut d’être objectif, il faut être honnête. Il n’y a pas pire qu’un mauvais journaliste, voilà pourquoi il faut du savoir-faire et des compétences. Lire beaucoup, regarder et écouter des débats et surtout aimer ce métier. Ce n’est pas un métier que l’on exerce juste pour remplir le frigo. Ça ne doit pas être un métier alimentaire. Et je ne leur souhaite que du bonheur !
Par Cédric Mimfoumou Zambo, Rédacteur en chef SAVOIR-FAIRE EKANG
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