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ENCYCLOPEDIE DES SAVOIR-FAIRE EKANG - ENSAFE

La migration des Bënë et des Mvog Belinga

Histoire des Bene et des Mvog Belinga

Table des matières

Une exploration historique et anthropologique

Dans cet article, nous présentons une réflexion approfondie sur les Bënë et les Mvog Belinga, en reconstituant leur histoire migratoire à partir de diverses sources. Parmi celles-ci, le livre « BELING’PEDIE » de Jean Marie Alima, fruit de trois années de recherche, qui retrace neuf générations du clan Mvog Belinga. Une autre source importante est la « Monographie historique des Mvog Belinga de Yaoundé des origines à 1960 » de Brigitte Memvouda. Les traditions orales des anciens Banë (Bënë) complètent ces documents écrits. Nous avons volontairement omis les dates concernant les Bënë, car les généalogies orales des anciens Banë ne correspondent pas aux dates trouvées sur Internet, qui manquent de cohérence chronologique.

Le Groupe ethnique Bëti

Les Bëti, ou Bë Nti signifiant littéralement « Les Seigneurs », forment un sous-groupe de l’ensemble ethnique Ekang. Majoritairement localisés dans la région du Centre du Cameroun, on les trouve également dans le Sud du pays. Le groupe Bëti comprend plusieurs tribus, dont les Ewondo, les Bënë, les Eton, les Menguisa/Manguissa, les Mvele, les Etenga… Les Mvog Belinga, au centre de notre étude, descendent directement des Bënë ou Banë.

Les Origines des Bënë

Les Bënë partagent une origine commune avec le peuple Ekang, dont ils sont issus et dont l’ancêtre mythique est AFRI KARA. Selon un récit fondateur des Ekang, décrit par Ondoua Engutu dans « Dulu bon B’Afri Kara », les fils d’Afri Kara ont migré depuis l’Orient à la recherche de la terre promise, qu’ils auraient finalement trouvée en Afrique centrale. Après un long périple à travers la Nubie et d’autres territoires, ils ont atteint l’actuel triangle camerounais.

Une autre tradition orale rapporte que les Ekang se sont installés dans l’Adamaoua avant de se stabiliser à Nditam, entre la Haute-Sanaga et le fleuve Yom (Sanaga). Fuyant la cavalerie arabo-musulmane qui cherchait à les islamiser, ils ont trouvé refuge près du fleuve Yom.

À ce stade du récit, plusieurs traditions orales se croisent. C’est à ce moment précis que surgit le nom de NNANGA, considéré comme l’Ancêtre éponyme de tous les Ekang parvenus aux berges du fleuve. Selon les récits, Nnanga et ses frères, fuyant la cavalerie arabo-musulmane et l’islamisation, se seraient réfugiés dans la grotte de Ngog Lituba, située à quelques kilomètres du fleuve Sanaga. Une fois à l’intérieur, une toile d’araignée aurait recouvert l’entrée de la grotte, déconcertant les cavaliers et les empêchant de trouver Nnanga et ses frères. Ainsi, ils furent sauvés par une araignée.

Aux abords du fleuve Sanaga, le peuple Ekang, ne sachant comment traverser, aurait fait appel à la magie. Les leaders se seraient alors rassemblés pour invoquer un génie, matérialisé sous la forme d’un serpent géant. Nnë Bodo de son vrai nom Owono Kodé, désigné par les Ekang comme « le Guide des Hommes » ou « le Passeur », est une figure centrale. Nnë Bodo a fait traverser une partie du peuple Ekang sur le dos de ce serpent-totem, surnommé « NGAN MEDZA », qui aurait servi de pont.

Selon François Manga, l’un des rares à retracer l’histoire bien au-delà de la Sanaga :

« Nos aïeux, nos pères sont venus de loin, du côté d’Oyambuna, au – delà de la Sanaga. On les appelait de leur nom primitif : Bendzo ou Bevundi (…). Ils ont vécu longtemps à Oyambuna ; puis au lieu-dit : Nditam. Ils ont construit leurs habitations sur un terrain de plaines. Ils habitèrent un grand village appelé Dzabokaga ; puis ils vécurent à Ebana où ils firent plusieurs villages. Ils restèrent sur les bords d’un cours d’eau appelé Mimefo (‘‘yeux de rats’’) car on ne voyait pas facilement sur l’autre rive. Une grande montagne leur a barré le chemin, appelée Ngog Litubi. Je ne raconte pas comment ils avaient rencontré le Foulbé appelé Mod Asebe, son fils Somon leur barra le passage ; ils prirent un autre chemin. C’est là que Nanga le Bendzo prit les devant et arriva à la Sanaga ; il fixa son village sur les bords de ce fleuve ; toute la foule le suivit ; ils appelèrent alors le fleuve Osananga » (source du texte de M. François Manga : Mémoire Monographie historique des Mvog Belinga de Yaoundé, page 20).

Généalogie dynastique des Bendzo (Bënë)

Nous ne nous attarderons pas sur ce sujet, car de nombreuses sources engendrent diverses hypothèses. Selon le Mémoire intitulé « Monographie historique des Mvog Belinga de Yaoundé des origines à 1960 », à la page 23, avant de traverser le fleuve Sanaga, un Ancêtre nommé « Bendzob » engendra Esié, qui à son tour engendra Matsenge, qui engendra Amougou Mewoli, et à son tour engendra Owono Kodé.

Les Bënë sont également appelés les « Bendzo » dans le livre « Le tombeau du Soleil » de Philippe Laburthe-Tolra, ce qui pourrait correspondre à la dynastie de l’ancêtre Bendzob. 

Cependant, la généalogie susmentionnée, qui positionne Amougou Mewoli comme père de Owono Kodé, est contestée par certaines sources. Celles-ci désignent Amougou Mewoli plutôt comme un autre nom d’Owono Kodé, également connu sous le nom de Nnë Bodo.

À la lumière de ces informations, plusieurs questions se posent : Pourquoi, dans la généalogie de « Bendzob » citée précédemment, les noms ne sont-ils pas hérités de père en fils ? Si Owono Kodé est le fils d’Amougou Mewoli, pourquoi n’a-t-il pas hérité du nom de son père ? Avait-il eu d’autres frères qui ont hérité de ce nom ? Le mystère demeure sans réponse. En analysant les noms des sept fils d’Owono Kodé, on remarque qu’ils possèdent des significations à connotation guerrière. S’agirait-il de noms inventés ? Est-il possible que Nnë Bodo soit celui qui a précisément assisté à la fondation du « Nouveau monde » au XIIIème siècle ?

De plus, le terme « Kodé » en langue Ewondo signifie « le Sauveur », une appellation souvent utilisée chez les Bëti chrétiens-catholiques pour désigner « Jésus ». D’autre part, des sources issues de certains clans chez les Basaa mentionnent un leader dont l’histoire de la traversée de la Sanaga est très similaire à celle des Bënë. Ce leader porte un nom dans la langue Basaa et aurait donné son nom à la plus haute confrérie Basaa : « la confrérie des Sages ». Il convient de noter qu’il existe trois confréries/patriarcats chez les Basaa.

Mais qui est réellement Nnë Bodo ou Owono Kodé ? Le mystère reste entier.

L'Exode des Bënë, expansion et conquêtes

Owono Kodé, eut sept fils issus de deux mariages distincts. Son premier mariage fut contracté avec Amombo Kunu, une femme de la tribu Batchenga. De cette union naquit son premier fils, Belinga Amombo Kunu, qui deviendra le fondateur du lignage ou clan « Mvog Belinga ». Leur deuxième fils, Manga Amombo Kunu, compléta cette première famille.

Owono Kodé a ensuite épousé Ndzie Manga, une femme de la tribu Menguisa. Ensemble, ils ont eu cinq fils : Owono Tsogo, Mbarga Tsogo (également connu sous les noms de Mbatsogo ou Mbarg’Tsogo), Man Zë (fondateur du clan Mvog Man Zë), Ndi Mbi (fondateur du clan Mvog Ndi), et le plus jeune, Manga Amombo Ndzïe (fondateur du clan Mvog Manga), qui portait le même nom que son demi-frère Manga Amombo Kunu. Owono Tsogo, Mbarga Tsogo, Man Zë, Ndi Mbi et Manga Amombo Ndzie sont nés après la traversée de la Sanaga. Manga Amombo Ndzie, né à Nkometou, est le dernier-né de la fratrie, et il est important de noter que Ndi Mbi et Manga Amombo Ndzie étaient des jumeaux.

Après avoir franchi la Sanaga, Owono Kodé se sépara du grand groupe Ekang pour poursuivre sa route avec sa famille, composée de ses fils, petits-enfants et épouses. Leur quête d’espaces vitaux les mena à de nombreuses guerres fratricides. Ils s’installèrent initialement à Nkometou, situé à 27 kilomètres au nord de Yaoundé. C’est lors d’une rixe à Nkometou que son deuxième fils, Manga Amombo Kunu, perdit la vie.

Peu de temps après, son épouse Ndzie Manga tomba enceinte de jumeaux. Owono Kodé nomma le premier Ndi Mbi et le dernier Manga Amombo Ndzie, en hommage à son fils défunt qu’il aimait tant. On raconte que Manga Amombo Ndzie avait les mêmes caractéristiques physiques que le défunt Manga Amombo Kunu.

Profondément affecté par ce décès, Owono Kodé décida de quitter cet endroit qu’il considérait désormais maudit. La famille s’établit alors à Ngona/Ngana, à 10 kilomètres au nord de Yaoundé, puis finalement à Nsasomo, près du quartier Nkomo à Yaoundé, où Owono Kodé finit ses jours.

À la mort d’Owono Kodé, ses fils décidèrent de se séparer, chacun devenant le fondateur d’un lignage (Mvog), constituant ainsi les sept grandes familles Bënë du Cameroun. À leur arrivée à Yaoundé, les Mvog Owono Kodé (les Bënë) se heurtèrent aux Ewondo, déjà installés, ce qui déclencha des conflits territoriaux.

Belinga Amombo Kunu (également appelé Beling’Mombo), l’aîné, choisit de s’installer avec sa famille à Nkomo. Ses frères, leurs épouses et enfants, ainsi que ses propres fils, poursuivirent la conquête de la Région du Centre jusqu’au Sud du Cameroun.

Héritage de Belinga Amombo Kunu, Ntol Bënë

Beling’Mombo est reconnu comme le fondateur du clan Mvog Belinga. Il était marié à cinq femmes : Anaba Messoama, Edzigui Toundou, Anamba, Onoana et Gnimi Bitoabga.

Son frère, Manga Amombo Kunu, qui perdit la vie lors d’une rixe à Nkometou après leur traversée du fleuve Sanaga, avant sa mort eut un fils dénommé Owona Alima, qui à son tour eut trois enfants : Manga Bela, Owono Bibana et Mani Bibi. Belinga Amombo Kunu prit ses enfants sous sa protection, les considérant comme les siens, selon le mémoire intitulé « Monographie historique des Mvog Belinga de Yaoundé des origines à 1960 » (page 22).

Dans l’ouvrage de Jean Marie Alima, « BELING’PEDIE », il est révélé que le clan Mvog Belinga se compose de douze familles (ou 12 enfants) :

  1. Amougou Anaba dont la descendance réside actuellement à Ekounou, Ntou Essong, Toutouli, Abomé, Nkoa Envone, Oveng Bene et Mbayane.
  2. Etoungou Anaba, avec des descendants à Ekounou, Nkolmesseng, Oyack, Mimboman.
  3. Mani Anaba, dont les descendants se trouvent à Ekounou.
  4. Belinga Anaba, dont les descendants résident à Ekounou et Atsing Melangue.
  5. Onguene Messoama, dont la descendance réside dans le quartier de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé.
  6. Belinga Edzigui, avec des descendants à Meyo et Mvengue 2.
  7. Mendogo Edzigui, dont les descendants résident à Banbilon et Toutouli.
  8. Ebana Ngo Edzigui, avec des descendants à Mbog Abang, Messa me ndongo, Mekak, Toutouli, Ndong, Mvan, Abong, Oyack, Kong, Mvengue, Ofoum Nseleuk, Ngomedzap, et Oukara Oubele.
  9. Nkoungou Onoana, dont les descendants se trouvent à Nkolfon, Ekié, Nkolmesseng, 2 Chevaux, et Nkoum Adzap.
  10. Belobo Anamba, avec des descendants à Mvan, Ekié, Nkol Owona, Abomé, Toutouli, Nkol Nkié, Abolé, Messa me ndongo, Ekoumdoum, et Mbanseuhe.
  11. Owona Gnimi, dont les descendants résident à Mbanseuhe, Nkol Owona, Ekié, Nkol Nkié, et Mvengue Mvog Ndzana.
  12. Owona Alima, avec des descendants à Mvondé Itane, Ekoumdoum, Toutouli, Mahan Megni, Mahan Messa, Metet, et Akok Mvog Belinga.

L’on peut remarquer que les fils du clan portent les noms de leurs mères respectives. Les localités mentionnées ci-dessus se situent dans les départements du Mfoundi, Mefou-et-Akono, Mefou-et-Afamba, Nyong-et-Soo, Mvila, et Océan. Selon Jean Marie Alima, il existe environ 70 villages Mvog Belinga dans les régions du Centre et du Sud du Cameroun.

Conclusion

Les Mvog Belinga, descendants des Bënë, sont un exemple éloquent de la dynamique des migrations et de la conquête des espaces vitaux au sein du grand peuple Ekang. Nous encourageons les lecteurs disposant d’informations supplémentaires à nous les transmettre (par mail) pour enrichir ce récit collectif. Ensemble, nous pouvons continuer à reconstituer le parcours migratoire de nos ancêtres et préserver cette riche histoire pour les générations futures.

Remarque importante

Les illustrations des figures historiques présentées ci-après sont entièrement issues de notre imagination. Il ne s’agit pas de photographies des personnages réels, dont certains ont vécu il y a plus de quatre siècles.

Savoir-Faire Ekang

Notes de référence :

La bibliographie des Mvog Belinga de Jean Marie Alima dans « Beling’Pedie » est basée sur la confrontation des documents cités ci-dessus :

  • Les archives des registres de baptême de l’église catholique MVOLYE -Cameroun 1895-1950.
  • Evini Avidi 1925-1975, Abomé, secrétaire du premier chef de groupement MVOG BELINGA
  • Andre AMOUGOU MANGA, NKOLMEYANG 1er janvier 1931
  • BELINGA Gabriel, 1928 MESSA ME NDONGO
  • MEBENGA M’EDZIMBI, 1948, MVENGUE
  • BELINGA François 1948, catéchiste MEYO
  • OWOUNDI ABENG François 1966, chef de TOUTOULI
  • Famille BELINGA EKE 1970 NKOLMESSENG
  • Abbé ONDOBO ENYEGUE Grégoire 1975
  • AMOUGOU Pierre, 1977, chef de famille EKIÉ
  • NKOUNGOU Apollinaire 1979, chef de village EKIÉ
  • MBIDA MINDZIE 1979, BIWONG BENE
  • AWANA Marie 1990 TOUTOULI
  • NDOUMOU Daniel 1991 EKIÉ
  • BELINGA Marcus 1993 sous-préfet chef d’EKOUMDOUM
  • ELOUNDOU ADA 2005 NKOLFON.

Nous conseillons vivement de vous procurer l’ouvrage « Beling’Pedie » de Jean Marie Alima qui fait 220 pages au format A3. Son numéro de téléphone : 00237673024845.

Les sources complémentaires que nous avions utilisées :

  • Mémoire de Dipes II « Monographie historique des Mvog Belinga de Yaoundé des origines à 1960 » de Brigitte Memvouda.
  • Les pérégrinations des descendants d’Afri Kara de Marie-Rose Abomo-Maurin.
  • Le tombeau du soleil : chronique des Bendzo de Philippe Laburthe-Tolra.
  • Wikipédia (peuple Bëti).
  • Traditions orales sur Nnanga et Ngan Medza.
  • Sources de confréries traditionnelles.

En complément, vous pouvez télécharger le Mémoire complet « Monographie historique des Mvog Belinga de Yaoundé des origines à 1960 » de Madame Memvouda Brigitte ayant pour superviseur M. Eloundou Désiré, à cette adresse : https://dicames.online/jspui/handle/20.500.12177/5231

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