Alice Endamne, Ecrivaine Gabonaise

Alice Endamne Ecrivaine

Ce numéro de SAFE MAGAZINE consacré aux passionnés des Lettres vous laisse découvrir chères lectrices et chers lecteurs, une autrice de romans, passionnée d’écriture qui, en 2008, avait été invitée à donner une interview dans célèbre magazine africain « Amina ». Elle s’appelle Alice Ngnigone Endamne et son nom d’auteur « Alice Endamne ». Alice Endamne est une femme Fang originaire du Gabon, née en banlieue parisienne. Elle a passé 6 ans de son enfance à Libreville la capitale du Gabon, avant de repartir en France avec toute sa famille où, des années plus tard, elle a obtenu un DEA en Civilisation Américaine à l’université Paris-Est Créteil. Elle vit à présent dans la Silicon Valley en Californie du nord où elle travaille dans l’édition de contenus.

Bonjour Alice Endamne, qu’est-ce qui vous emmène dans le monde de l’écriture ?

Bonjour. J’ai très tôt été attirée par la lecture : la découverte du monde à travers les histoires. J’étais très curieuse et j’avais une imagination débordante. J’ai donc commencé à écrire mes propres histoires à l’adolescence. J’ai commencé avec une pièce de théâtre, puis des nouvelles, pour enfin me dédier aux romans dès la vingtaine.

 

Dans votre parcours, on découvre que vous écrivez pour la revue littéraire Black Arts Quaterly ce qui laisse sous-entendre que vous intéressez aux écrivains « Noirs », à la culture « Noire » et à l’Art « Noir » de l’Afrique et toute sa diaspora. Qu’est-ce qui vous emmène dans ce milieu ?

J’ai travaillé en tant que rédactrice en chef du Black Arts Quarterly pendant 5 ans. C’était une revue publiée par la prestigieuse université de Stanford. J’y suis arrivée un peu par hasard honnêtement. Je venais d’avoir mon premier enfant et je cherchais un emploi à temps partiel que je pouvais facilement faire à la maison (c’était bien avant que le télétravail ne devienne monnaie courante). J’ai été enchantée par le monde que j’y ai découvert : écrivains, peintres, sculpteurs et autres créatifs d’Afrique et de la diaspora. J’ai eu l’opportunité d’interviewer Ngugi Wa Thiong’o et Octavia Butler, de grandes figures de la littérature noire. J’ai voyagé à New York pour assister à une conférence sur les femmes noires et la globalisation. J’ai participé à de nombreux événements culturels qui m’ont démontré combien l’Afrique et sa diaspora sont très liées aujourd’hui encore. C’était une période très heureuse de ma vie et cela n’a fait qu’accentuer mon désir de contribuer à la culture noire avec mes histoires.

Je vous propose de passer à l’échange sur vos romans…

Votre roman « Volatilisée », de quel style est-il ? Est-ce un romain policier ? Est-ce un livre dramatique ? Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel est le message que vous avez souhaité faire passer ?

Ce n’est pas un roman policier parce qu’on comprend assez vite le crime, même si on ne sait pas tout de suite comment il a été commis. C’est plutôt un roman psychologique, une étude de plusieurs personnages autour d’un drame qui les lie. Je suis fascinée par les émotions humaines. Je sais que nous sommes capables de faire des choses merveilleuses et des choses exécrables. C’était intéressant pour moi de voir comment l’on peut basculer vers l’extrême. L’autre thème principal, c’est la quête de l’identité, thème qui m’est cher car quand on grandit à l’intersection de deux cultures, on peut avoir du mal à trouver son identité.

 

Dans le roman « Volatilisée », il s’agit de disparition d’enfant et d’adoption, pourquoi le choix de ces thèmes ?

Cette histoire est un hommage à mon père, le professeur Emmanuel Endamne, qui nous a quittés en 2015. Il aimait beaucoup nous raconter des histoires. Je crois que mon amour des histoires vient de lui. Il me racontait souvent que lorsque j’étais bébé, encore dans ma poussette, il m’avait emmené dans un centre commercial de la banlieue parisienne. Il s’était détourné pendant quelques secondes à la recherche d’un article. Quand il est revenu, il a vu deux dames blanches qui m’emmenaient. Il les a bien heureusement rattrapées et m’a récupérée. Mais il disait toujours que ces dames voulaient me kidnapper parce que j’étais mignonne, ce qui me faisait sourire bien sûr.

Finalement, je me suis demandé ce qui me serait arrivé si j’avais effectivement été kidnappée et élevée par une famille qui ne me ressemble pas. Et voilà comment l’histoire a pris forme sous ma plume.

Vous avez écrit « Garçons et filles » qui est un roman qui parle des relations des couples mixtes, pourquoi ce thème ?

Garçons et filles est la suite de mon roman C’est demain qu’on s’fait la malle. On y assiste à la fin d’une histoire d’amour entre un couple mixte. Laetitia Obame, le personnage principal, est une jeune femme qui prend son envol après la trahison de Stéphane, son petit ami blanc. Elle découvre la vie sur un campus américain et toutes les subtilités de la culture américaine, le bon comme le mauvais.

 

Alice Endamne, « C’est demain qu’on s’fait la malle », dans ce roman vous racontez une histoire d’amour entre une jeune africaine et un skinhead aux convictions de pureté raciale, ils vivent tous deux dans un climat de tensions raciales en 1989-1990. Vous revenez avec le thème de la mixité, mais aussi du triomphe de l’amour, est-ce un thème qui vous touche personnellement ?

Alors, C’est demain qu’on s’fait la malle a été mon tout premier roman publié et il me tient donc à cœur. Non, le thème du couple mixte ne me concerne pas personnellement, mais je voulais écrire l’histoire d’une ado noire qui vit dans le sud de la France au milieu d’une vague de xénophobie (fin des années 1980). J’ai vécu à Perpignan, dans le sud de la France, à cette époque, je me souvenais donc bien de cette période.

Je voulais écrire une sorte de Roméo et Juliette, il me fallait donc des personnages issus de milieux différents. Et il fallait qu’ils soient jeunes (ils ont 16 ans), car quand on est jeune, on pense tout comprendre et on ne voit pas de limites.

Revenons chez nous, chez les Ekang, avec votre livre « Elle est comme ça EYALA MBA ». Qui est la petite Eyala Mba ? Pour quel public ce livre s’adresse-t-il ?

Ce livre s’adresse aux 5-10 ans. La petite Eyala me fait toujours sourire parce que c’est une gamine très intelligente qui pense qu’elle a toujours raison. Elle fera donc forcément beaucoup de bêtises et finira par comprendre que la vie est un apprentissage permanent. Ce livre a été illustré par mon amie ghanéenne, Arama Sey.

 

Quelles sont vos sources d’inspiration dans la Littérature ?

Il y a des romans que j’ai beaucoup aimés quand j’étais plus jeune. Ségou de Maryse Condé et Eva Luna d’Isabelle Allende en font partie. J’aime les plumes libres. J’aime qu’on me raconte une histoire complexe simplement. J’aime les auteurs qui jouent avec les mots, et ceux qui peuvent me faire rire ou me faire pleurer.

Je puise mon inspiration autour de moi. Je peux vivre une situation particulière (ou en entendre parler) et la stocker dans ma mémoire pendant de longues années pour m’en servir dans une histoire un jour, remaniée à ma sauce. Mes personnages sont souvent des mélanges de gens que j’ai connus. Mais c’est ma curiosité qui me pousse à explorer certains thèmes. Par exemple, pour écrire Volatilisée, je me suis demandée : qu’arriverait-il si un enfant kidnappé bébé retrouvait ses parents une fois adulte ? Qu’est-ce cela impliquerait pour les kidnappeurs, pour les parents biologiques, mais également pour la personne qui a grandi loin de ses origines ?

 

Vous êtes née en France, est-ce que le fait d’être née en France vous éloigne de votre culture ? Comment restez-vous connectée à la culture Fang dont vous êtes originaire ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai vécu au Gabon pendant 6 ans quand j’étais enfant. J’y suis arrivée à 6 ans et en suis repartie à 12 ans. Mais je pense que même si cela n’avait pas été le cas, mes parents, tous deux originaires de la province du Moyen-Ogooué, étaient mon premier lien avec ma culture Fang. Quand nous étions petits, certes, nous allions à l’école française, mais nous

rentrions dans une maison gabonaise à la fin de la journée. Accès à la langue Fang, dégustation de plats gabonais, apprentissage des traditions africaines (comme le droit d’aînesse par exemple), tout cela, ils nous l’ont donné.

Je reste connectée à ma culture grâce aux voyages bien sûr, mais également la musique (j’aime beaucoup la musique de Cysoul, chanteur Ekang du Cameroun), mes lectures, etc. Pendant le confinement, j’ai voulu approfondir ma connaissance du Fang en suivant un cours en ligne de l’Académie des langues et cultures bantu. C’était une très belle expérience.

Alice Endamne

Alice Endamne, que pensez-vous de l’union des Ekang du Gabon, Cameroun et de la Guinée Equatoriale ?

C’est formidable. Nous savons tous que les frontières n’ont aucun effet sur la culture et l’appartenance à un même peuple.

 

Enfin, pourrait-on savoir par curiosité quelle sera la suite ? Un nouveau livre ? Un projet culturel ?

J’ai plusieurs projets d’écriture, mais ils ne sont qu’au stade embryonnaire, ils ne sont pas encore prêts à être dévoilés. Par contre, j’aimerais beaucoup m’impliquer sur le plan culturel au Gabon. J’ignore comment pour le moment, donc si quelqu’un a des choses me proposer, je suis tout ouïe.

Abora/akiba !

Félix Atemenge, Yaoundé, Cameroun.