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Felisa Avomo Ndumu, la reine de la danse « Mekom» se confie à Savoir-Faire Ekang

Mekom Danse traditionnelle Fang par Felisa Avomo Ndumu

Felisa Avomo Ndumu, la reine de la danse « Mekom » en Guinée Equatoriale se confie à Savoir-Faire Ekang

Initiée dans la pure tradition Fang de Guinée Equatoriale, Felisa Avomo Ndumu a permis à de nombreux rythmes patrimoniaux des peuples des seigneurs de la forêt, de résister à l’inexorable usure du temps. Le « Mekom » ou encore le « Mengane » deux danses en voie de disparition, ont pu grâce à ses pas de danses à la fois souples, singuliers, le tout agrémenté d’une énergie spirituelle débordante, se frayer une place de choix dans notre société actuelle où les cultures dites modernes, mènent une concurrence déloyale à nos mythiques rythmes anciens. 
Vêtue de sa tenue charismatique faite en peau de félin et son chapeau en plumes d’oiseaux, la digne fille Esawong d’Evinayong chante, danse et raconte l’histoire lointaine d’un peuple non sans enchanter tous les publics sur du « nkul » savamment joué par les as en la matière qui l’accompagnent sur les scènes de Guinée Equatoriale, mais pas que ! Au Cameroun, au Gabon, au Sénégal, au Maroc et même en Inde, les évènements culturels d’envergure sollicitent les services de celle qu’il convient de nommer : la dernière reine du « Mekom ». Cette danse initiatique venue du monde des esprits pour égayer les mortels, Felisa l’a héritée de sa feue maman pour que jamais ne meure, l’authentique culture Ekang.

À l’occasion du mois consacré à la Guinée Equatoriale en ce début d’année 2023, Savoir-Faire Ekang vous propose une interview à cœur ouvert avec dame Avomo Ndumu, un monument vivant de cette culture ô combien riche.

Qui est Feliza Avomo, celle qu’on présente en Guinée Equatoriale comme une des garantes des danses traditionnelles Fang ? 
Mbolo à toute la communauté Ekang à travers le monde. Mon nom de baptême chrétien est Feliza. Le nom que mes parents m’ont donné est Avomo Ndumu. Je suis une fille Fang du clan Esawong dans la localité d’Evinayong qui est située dans la province du Centro-sur de la Guinée Equatoriale. Je suis une mère de nombreux enfants et déjà, de plusieurs petits-enfants. Dans mon existence, j’ai effectué deux types de cursus scolaires : l’école occidentale et celle traditionnelle où les danses que je pratique m’ont été transmises.  Ces danses qui ont été pratiquées par nos grands-parents et leurs grands-parents avant nous, mais qui tendent aujourd’hui à disparaître.

Auprès de qui et comment avez-vous obtenu ce savoir-faire traditionnel ?
Moi Avomo Ndumu, je danse et je chante plusieurs rythmes. Certains sont purement traditionnels et issus de la culture Fang, d’autres je les ai appris en côtoyant d’autres communautés. Je danse et je chante. La danse pour laquelle je suis la plus réputée est le « Mekom ». Cette danse, c’est ma mère qui me l’a apprise. Elle a été initiée à ce rythme par Nkam Ekiegn, une trois personnes pionnières du « Mekom» ramené du monde des esprits. Après le décès de ma maman, je suis restée l’une des rares ambassadrices de cette danse. Je n’ai pas été choisie au hasard par ma génitrice. Lorsque je me rendais au village, les anciens ont vite descellé en moi un grand intérêt pour la tradition Fang. Depuis toute petite, je m’intéressais moins à culture occidentale contrairement à d’autres enfants. A part le « Mekom », je danse également le « Mengane », le « Mbatwa » et « L’Ebolaza’a ».

Mekom Danse traditionnelle Fang par Felisa Avomo Ndumu

Que traduit la danse « Mekome » dans la culture Fang ?
Pour comprendre ce que traduit le « Mekom », il faut d’abord connaître son origine. Dans la société Fang d’autrefois, il s’agissait d’une des plus grandes danses traditionnelles après le « Ndong Mba ». L’histoire raconte que c’est un orphelin qui avait ramené le « Mekome » du monde des esprits.

Comment l’a-t-il ramenée dans le monde des vivants ?
Alors qu’il vivait seul avec sa grand-mère suite au décès de ses parents, celle-ci décède à son tour. Ainsi, le jeune homme resta vivre dans la souffrance sans les êtres qui lui étaient chers. Un matin, il se rendit au champ et se perdit dans la brousse. 

Les esprits le prirent et l’emmenèrent dans leur monde. Là-bas, il a subi des rites de purification et de préparation appelés en langue ntumu akomya au pluriel mekomya (qui vient de akome : arranger, Ndlr). Le premier esprit à l’avoir « arrangé », lui mit des vêtements fait de peaux d’animaux. Le deuxième esprit lui conçut un chapeau en plumes d’oiseaux. Le troisième esprit, lui offrit des chaussures en écorces d’arbre appelé « mekora ». Le quatrième esprit lui habilla les mains avec les écorces de raphia. Ils lui donnèrent ensuite une corne avec laquelle il devait alerter le village de son retour car on le croyait déjà mort après sa disparition dans la forêt. À son retour au village, on joua du tam-tam (nkul) et le jeune homme dansa donc le « mekom » qu’on lui a appris au pays des morts. Il reçut de nombreux présents et de l’argent grâce auxquels, sa vie de souffrance prit fin.

Mekom Danse traditionnelle Fang par Felisa Avomo Ndumu

À quelles occasions danse-t-on le « Mekome » ?
On peut danser le « Mekom » à plusieurs occasions. Lorsqu’une femme âgée décède dans le village. Au moment où sa dépouille est transportée sur la cour. Il y a des chansons spécifiques qui sont chantées à cet instant. C’est aussi une danse qu’on peut effectuer lors des fêtes importantes. De nos jours, on pratique déjà le « Mekom » sans initiation, mais par le passé ce n’était pas le cas. Il fallait qu’un ancien décide de vous octroyer le pouvoir de danser le « Mekome » car c’est une danse qui a des lois et de nombreux interdits.

Comment faites-vous la promotion de ce rythme rare à travers les territoires Ekang ?
J’ai commencé au centre culturel de Guinée Equatoriale où je donne régulièrement des spectacles. J’apprends également aux enfants comment danser ce rythme. J’appartenais d’abord à un premier groupe national qui ne respectait pas les règles traditionnelles Ekang en termes de danse de nos rythmes. Ils fusionnaient différentes danses, ce qui n’est pas admis. Quand on danse le « Mekom», on le danse seul, pareil pour le « Mengane ». Je ne fais pas la promotion de mon savoir-faire seulement en Guinée Equatoriale mais aussi dans d’autres territoires comme le Gabon, le Cameroun et toute l’Afrique. En 2010, j’ai participé au festival des arts nègres au Sénégal. En 2012, j’ai été invité par l’Union africaine à Addis-Abeba en Ethiopie. En fin 2022, je me suis rendue en Inde pour un autre festival culturel.

Est-ce qu’il existe certaines difficultés auxquelles vous faites face dans l’exercice de votre art ?
Oui ! Le principal problème est celui de la valorisation et de la relève. Je n’ai pas toujours des personnes qui veulent accompagner comme il se doit la culture Ekang notamment, ce que je fais ici en Guinée Equatoriale. Si c’était le cas, c’est que je serai arrivée encore plus loin. À l’international, je suis très souvent contactée, mais je constate que certaines personnes mieux placées, détournent certaines invitations qui me sont destinées parce que je n’ai pas toujours quelqu’un qui défend ma cause. Mais comme je l’ai dit plutôt, j’ai déjà été sollicitée à plusieurs reprises pour prendre part à des évènements hors de mon pays et des territoires Ekang.

Un message à toutes les communautés Ekang du monde entier ?
Le message que je peux envoyer aux Ekang de la Guinée Equatoriale, du Gabon et du Cameroun et dans d’autres pays parce que les peuples Fang ne se trouvent pas seulement dans les pays que je viens de citer, est que nous devons œuvrer afin que nos cultures ne disparaissent pas. Chacun d’entre nous possédant un savoir-faire traditionnel qu’il souhaite léguer à nos enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants doit le valoriser et chercher à en faire quelque chose de grand qui va demeurer de générations en générations.

Propos recueillis et traduits du Fang au Français par Cédric Mimfoumou Zambo.

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