La société Ekang, également identifiée comme faisant partie du continuum Beti‑Fang, est profondément imprégnée d’un principe fondamental : la justice. Cette dernière se traduit par un vaste réseau de lois et d’interdits, transmis de génération en génération pour maintenir la paix (« Mvoe »), l’harmonie avec les Ancêtres et l’équilibre cosmique. Ce système de règles garantit que chaque Ekang prépare sa vie présente et future, favorisant une « bonne mort » et une réincarnation paisible pour celui ou celle qui a respecté ces lois.
Le système traditionnel Ekang
Au cœur de la cosmogonie Ekang figure l’harmonie avec la nature et les Ancêtres : si l’on vit selon les lois traditionnelles et morales, on meurt bien, ce qui signifie qu’après la mort la vie sera plus douce. Ces interdits structurent l’existence quotidienne, depuis l’enfance
Liste non-exhaustive des interdits chez les Ekang
- Il est interdit de répondre lorsqu’on vous appelle la nuit.
- Il est interdit de balayer une fois la nuit tombée.
- Il est interdit de laisser quoi que ce soit à l’extérieur après avoir fermé sa porte le soir.
- Il est interdit aux femmes de se laver dans les douches extérieures dès la tombée de la nuit.
- Il est interdit aux jeunes filles de grimper aux arbres.
- Il est interdit à tout novice de toucher aux baguettes de tam-tam ou d’en jouer.
- Il est interdit aux femmes de s’asseoir sur un mortier, même retourné.
- Il est interdit aux initiés et aux patriarches de saluer ou de s’approcher d’une femme en période menstruelle.
- Il est interdit de rester aux champs lorsque le soleil commence à se coucher.
- Il est interdit de battre sa mère ou de voir sa nudité.
- Il est interdit de pointer du doigt une tombe ou un cimetière.
- Il est interdit aux femmes de manger de la vipère, du gésier ou du singe.
- Il est interdit de verser le sang de son frère.
- Il est interdit de se servir dans le champ d’autrui ; toucher ne serait-ce qu’une feuille y est strictement proscrit.
- Il est interdit de voler ; le vol est considéré comme une maladie nécessitant un traitement chez un Nganga, car ce n’est pas naturel.
- Exogamie stricte : prohibitions du mariage au sein du même clan. Il est interdit d’avoir des rapports sexuels avec une personne de son clan ; les unions à l’intérieur du même clan sont formellement interdites ; c’est la malédiction assurée.
- Il est interdit tout rapport incestueux ; c’est la malédiction totale pour vous et pour votre village, qui s’expose alors aux punitions les plus cruelles.
- Il est interdit d’espionner les femmes prenant leur bain à la rivière ; malheur à qui en serait pris.
- Toute nourriture offerte doit être goûtée par la personne qui l’apporte, et ce, devant témoin.
- Lorsqu’on vous sert à boire, la personne qui vous offre doit également en boire.
- Chaque soir, avant de se coucher, on doit verser quelques grains de riz et un peu de sauce du jour dans la cour pour nourrir les défunts.
- Ne pas discuter ou rire bruyamment dans la forêt par respect pour ses habitants ; on y reste silencieux ou on chuchote pour ne dire que l’essentiel.
- Il est interdit aux non-initiés à l’art de la grimpe de monter dans les palmiers ; toucher aux cordages des grimpeurs est strictement proscrit, même en cas d’orage.
- Il est interdit de voir la nudité d’une femme âgée ; cet interdit s’applique également aux jeunes filles.
- Interdit de dormir dans la même chambre que sa belle-mère (des comportements abominables ont été observés chez la nouvelle génération). Votre belle-mère reste votre belle-mère : sachez-vous comporter avec elle selon les règles de conduite dictées par notre tradition.
- On ne doit jamais dire « Il m’a aidé en quoi ? » : jusqu’au simple grain d’arachide reçu est considéré comme une aide, car il vous nourrit. Se montrer ingrat est dangereux, car vos paroles peuvent se retourner contre vous.
- Respect du reliquaire d’ancêtres (Byeri/Ngil) : toucher ou profaner un reliquaire ancestral est tabou chez les Fang, car ces objets incarnent la présence des esprits protecteurs de la communauté
- L’interdiction contre l’usurpation du masque Ngil ou nlo‑ñgon‑tang : seuls les initiés peuvent porter ou essayer ces masques de justice ; les non‑initiés ou les personnes non autorisées sont sévèrement punies
- Courir dans un champ ou une plantation est strictement interdit.
- Il est interdit de faire pleurer un enfant pendant la nuit.
- Il est proscrit de siffler la nuit, car cela est censé attirer les serpents.
- Les contes (minkana) ne doivent pas être racontés durant la journée. Si vous souhaitez malgré tout les narrer, vous devez prononcer cette formule :
« Je ne raconte pas aux vivants, je raconte à ceux qui ne sont plus. »
Conclusion
La société Ekang ancienne reposait sur un système très dense d’interdits, structurant la vie individuelle et collective autour de principes de justice, d’amour, de paix et d’harmonie cosmique. Ces règles, héritées des ancêtres, ne sont pas de simples contraintes : elles incarnent un véritable code moral garantissant l’équilibre entre les vivants, la nature et le monde spirituel. Les interdits que vous avez découverts illustrent ce tissu normatif riche et profondément enraciné dans la tradition Ekang, un héritage partagé avec les peuples Beti-Fang.
👉 Pour aller plus loin sur les interdits chez les Ekang, interrogez les anciens, collectez les récits, et contribuez à la préservation de cette mémoire culturelle unique.
Contributions:
Rédaction de Savoir-Faire Ekang & Madame Christine Tsalla Auteure
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