Essono Obiang Engone, plus connu sous le nom mystique d’Elougou Minlam, est une figure légendaire du Mvett en Guinée Équatoriale. Aux côtés du grand-maître Zwe Nguema du Gabon, il est reconnu comme l’un des deux piliers incontestés de cet art au cours du siècle dernier. Originaire de la tribu Esseng, dans le département de Niefang et du village de Mimbaminga, Essono Obiang Engone porte en lui une histoire fascinante, que nous vous dévoilons ici, tirée du livre « Du Mvett, Essai sur la dynastie Ekang Nna » de Daniel Assoumou Ndoutoume.
Dès son plus jeune âge, Essono Obiang s’imprègne du Mvett, sans maître désigné pour le guider. Pourtant, il se forme dans l’ombre du renommé Ndong Eyoghe Ossé. Son appétit insatiable pour cet art le pousse à ne jamais manquer une séance donnée par un joueur de Mvett, s’enrichissant de chaque note, de chaque mélodie entendue. Ce qui le distingue des autres ? Un talent hors du commun, un don exceptionnel.
Mais alors qu’il approche de la cinquantaine, le destin lui réserve un coup terrible : il est frappé de cécité totale. Ce bouleversement l’accable d’autant plus que des maux de tête persistants viennent s’ajouter à son malheur. Désemparé, Essono Obiang Engone parcourt inlassablement la Guinée Équatoriale, le nord du Gabon et même le Cameroun, en quête d’un remède. Ni la médecine traditionnelle, ni la science moderne ne parviennent à restaurer sa vue.
Désespéré, il retourne à Mimbaminga, son village natal et décide d’abandonner le Mvett. Pourtant, ce dernier, tel un esprit indomptable, refuse de le quitter. Une nuit, alors qu’il repose dans sa case, un bruit sourd résonne sur son toit. Soudain, une voix sinistre se fait entendre :
- Toi Essono Obiang Engone, est-ce que tu me vois ?
- Je suis aveugle, et les aveugles ne peuvent voir, répondit Essono.
- Alors sors de ta case pour voir ce que tu verras, clamait la voix d’outre-tombe.
Tremblant, Essono Obiang sort et aperçoit, assis sur son toit, un être d’apparence cadavérique, un véritable spectre. Contre toute logique, lui, l’aveugle, voit ce mort-vivant en pleine nuit. Face à cette apparition inexplicable, il reste figé, mais l’entité reprend :
- Est-ce que tu me connais ?
- Je n’ai pas la moindre idée de toi, répondit Essono Obiang.
- Alors écoute-moi bien, reprit le mort-vivant. Je m’appelle Elougou Minlame, celui qui, par ses mélodies, charme et entretient la joie, la gaieté et l’animation dans les villages. Je suis venu te céder mon nom. Désormais, tu t’appelleras Elougou Minlame le fils d’Obiang Engone. Aveugle ou pas, tu poursuivras ton art de jouer le Mvett. Tu transmettras le message de Ngôm aux générations futures. Maintenant, observe bien mon bas gauche, que vois-tu ?
- Je vois attachée à l’auriculaire de ta main gauche la peau d’un lémurien, répondit Essono Obiang.
- À l’occasion de chaque séance de Mvett que tu donneras, il te faudra toujours à ton petit doigt de la main gauche la peau du lémurien. Considère-toi désormais comme un Maître dans l’art de jouer du Mvett.
Aussitôt, le spectre disparaît, et les ténèbres replongent Essono Obiang Engone dans son aveuglement. Rentré chez lui, il se laisse emporter par le sommeil.
Photo des lémuriens
Le lendemain, alors que les villageois reviennent des champs, Essono Obiang confie à son frère cadet l’incroyable expérience qu’il a vécue. Il termine en exprimant son ignorance quant à la manière de se procurer un lémurien. À sa grande surprise, son frère lui annonce qu’il en a justement attrapé un, après avoir abattu un arbre dans son champ. Cette peau de lémurien pourrait donc servir à honorer la demande du spectre.
Ainsi, Essono Obiang Engone devient un Maître incontesté du Mvett. Sa renommée traverse les frontières, et de la Guinée Équatoriale au Gabon, aucun joueur de Mvett ne termine une séance sans évoquer son nom, hommage indélébile à son génie, au-delà des divergences d’écoles.
Note de référence :
Le texte et l’image de bannière contenant le Maitre Essono Obiang en compagnie de Daniel Assoumou proviennent du livre « Du Mvett, Essai sur la dynastie Ekang Nna » de Daniel Assoumou Ndoutoume.
