La société secrète Byeri chez les Fang et le culte des Ancêtres

Byeri Fang

Table des matières

Qu’est-ce que le Byeri chez les Fang ?

Le culte Byeri, également connu sous le nom de Byere, est une pratique religieuse fascinante des Fang, un groupe ethnique réparti dans le nord, l’ouest et le centre du Gabon, le sud du Cameroun, le nord du Congo, et en Guinée équatoriale. Selon Nicolas Mba-Zué, les Fang constituent une communauté linguistique et culturelle homogène, souvent soulignée par diverses études historiques, linguistiques et anthropologiques. La tribu Fang fait partie du grand ensemble Ekang.

Le culte religieux Byere

Tsira Ndong Ndoutoume indique que les Fang pratiquaient trois rites religieux distincts : le Kpwè, le Ndong Mba et le Melan. Le rite Kpwè s’adressait aux enfants de 8 à 13 ans, le Ndong Mba aux adolescents de 15 à 25 ans, et le Melan aux adultes entre 20 à 30 ans. Nicolas Mba-Zué précise que pour le Melan, certaines sources mentionnent un âge d’initiation plus jeune, autour de 15-16 ans.

L’initiation au Melan donnait accès au culte Byere. Le Melan, pluriel de la plante non hallucinogène « alan », ouvrait les portes du monde ésotérique du Byere une fois consommée. Durant ce rituel, les ossements conservés dans le « nsek byere » étaient présentés aux jeunes initiés au son du xylophone (balafon) appelé « Mendzang » et du tambour. Les jeunes exécutaient des pas de danse selon un rituel prescrit par les maîtres d’initiation (Nicolas Mba-Zué, Mythe des origines du byere fang, page 36).

Tsira Ndong Ndoutoume dans « Le Mvett, épopée Fang » pp 12 et 14, rapporte que le Fang estime que l’homme, livré à lui-même sur la terre, souillée par les péchés dus à sa trop grande liberté est trop impur, trop simple pour oser s’adresser directement au Créateur. Pour cela, il passe par les mânes et les esprits qui sont exigeants afin d’accomplir leurs délicates missions auprès de l’Etre Suprême. L’homme doit leur faire des offrandes, des sacrifices, c’est pour cette raison que l’homme pratique le « Byeri » ou culte des ancêtres. Le Byeri permet la consultation des mânes des ancêtres.

Le Byeri et les ancêtres

Nicolas Mba-Zué affirme que le Byeri se pratique dans l’intimité des lignages. C’est un culte rendu aux Ancêtres via les ossements conservés dans le reliquaire. Cependant, Paul Mba Abessole voit une relation privilégiée entre chaque Fang et la déesse Nane Ngoghe, ce qui l’amène à contester la classification du culte Byere parmi les cultes des ancêtres. Dans « Aux sources de la culture Fang », Abessole raconte que Nane Ngoghe, considérée comme l’une des ancêtres de tous les Fang, fut mariée à son frère Ma-Ngoghe sur les recommandations de leur mère Ana, qui interdit à ses enfants de rendre un culte à d’autres dieux que Nkôm-bôr (le Créateur des hommes), et leur prescrit le mariage endogamique pour préserver leurs coutumes (pages 36-37).

Pour Mba-Zué, qu’on attribue le Byeri à Nane Ngoghe ou aux ancêtres fondateurs du clan, ce culte familial demeure centré sur les besoins de la communauté villageoise pratiquante.

Byeri Fang

© Reliquaire Fang Byeri, Galerie d’art africain (site internet)

Le récit de Mitsim

Selon le Dr. Grégoire Biyogo dans la préface de Mythe des origines du byere Fang de Nicolas Mba-Zué, le texte fondateur de la spiritualité Fang est Mitsim à la recherche du byere paternel. Étudié par l’abbé Fidèle Okoué Ngou en 1984, ce récit raconte la quête périlleuse de Mitsim, accompagné de nombreux adjuvants, pour récupérer le byere paternel de son père Zame Si, décédé. Son oncle Zame Yo avait emporté le byere dans un monde inaccessible, provoquant un inévitable affrontement entre l’oncle et le neveu.

Le Byeri dans le Mvett

L’abbé Fidele Okoue-Ngou avait recueilli un récit racontant l’origine du Byere dans un récit du Mvett Ekang qui relate qu’à partir d’un banal partage de champignons auxquels n’a pas eu droit Angoung Bere Otse, le grand magicien, une rivalité s’installe à Engong entre ce dernier et Medang Boro. Le byere de Medang Boro est volé par Angoung Bere et vendu à Mba Ndong Ava du pays Okü. Mais la désolation frappe aussi bien Engong que le village d’Okü où le byere a atterri. Ze Medang, l’un des jeunes guerriers d’Engong, est envoyé en mission pour récupérer le byere chez Mba Ndong Ava, ce qu’il fait avec la brutalité qu’on lui connaît (Nicolas Mba-Zué, Mythe des origines du byere fang, page 37-38).

À la lecture de cet extrait, l’on peut constater que détenir un byere bien qu’il apporte une puissance est aussi problématique pour le village qui le détient, car il est très convoité.

Les conditions de détention d’un Byer

Paulin Nguema Obam dans son livre dit : Le gardien du byer est choisi parmi ceux qui n’ont qu’une femme ou parmi les célibataires (…). On confiait la garde de byer au plus pauvre, mais à un pauvre qui avait trouvé assez de ressources en lui pour s’élever au-dessus des ressentiments possibles dus à une frustration ou à une série de frustrations répétées. (…) Quand on désire obtenir les faveurs du byer, on tue un animal domestique. On va trouver le gardien du byer, en précisant les mobiles de la démarche. (…) C’est le gardien qui porte l’offrande (Paulin Nguema-Obam, Aspect de la religion Fang, Paris, Acct/Karthala, 1983, pp 41-42).

Conclusion

Le culte Byeri, à travers ses rites et ses traditions, offre un regard profond et fascinant sur la spiritualité et la culture des Fang. Enraciné dans une relation intime avec les ancêtres et une compréhension sacrée du monde, le Byeri transcende les simples pratiques religieuses pour devenir une pierre angulaire de l’identité collective fang. Les récits comme celui de Mitsim, ainsi que les histoires tirées du Mvett, illustrent la richesse narrative et mythologique qui soutient ce culte. De plus, les règles strictes entourant la détention et la transmission du Byeri montrent à quel point cette pratique est respectée et vénérée.

En tant que société secrète, le Byeri garde encore aujourd’hui une aura de mystère et de sacré, attirant l’attention des chercheurs et des passionnés d’histoire. Au cœur de cette tradition se trouve une profonde vénération des ancêtres et une connexion spirituelle qui continue d’influencer et de définir les valeurs et les croyances des Fang. En comprenant le Byeri, on découvre non seulement une pratique religieuse, mais aussi une fenêtre sur l’âme d’une communauté qui a su préserver et honorer son héritage culturel à travers les âges.

Notes de référence

  • Nicolas Mba-Zué, son livre « Mythe des origines du byere Fang »
  • Tsira Ndong Ndoutoume dans « Le Mvett, épopée Fang »
  • Paul Mba Abessole, son livre « Aux sources de la culture Fang »
  • Paulin Nguema Obam, son livre « Aspects de la religion Fang »
  • Entretien entre Tsira Ndong Ndoutoume et Nicolas Mba-Zué, retranscrit dans « Mythe des origines du byere Fang »