L’histoire du Grand Maître Mvett Bitome Bizo’o, héritier de Oyono Ada Ngono

Bitome Bizo'o

L’art ancestral du Mvett, cet instrument mystique et puissant, a traversé les siècles, porté par des figures emblématiques qui ont su l’immortaliser. Parmi elles, Oyono Ada Ngono, qui perfectionna cet art et le vulgarisa, lui donnant sa forme actuelle. Selon l’historien Daniel Assoumou Ndoutoume, dans son ouvrage Essai sur la Dynastie Ekang Nna, il est admis que Oyono Ada jouait le Mvett à Engong. Mais alors, comment cet art, jadis confiné à Engong, s’est-il répandu à travers le monde Fang / Ekang, jusqu’à atteindre l’ampleur que nous lui connaissons aujourd’hui ?

Deux grands maîtres, Zwe Nguema Ndong du Gabon et Essono Obiang Engone de la Guinée équatoriale, ont répondu sans hésitation à cette question. Selon Zwe Nguema, c’est le conteur Bitome Bizo’o, fils de Zo’o Ntouhou, lui-même fils de Zo’o Oboune Angbwe, qui révéla le Mvett au monde Fang. Essono Obiang, quant à lui, mentionne un autre nom : celui de Ngôm de la tribu Olèè. Cette dernière histoire fera l’objet d’un prochain récit.

Aujourd’hui, nous nous consacrons à l’histoire de Bitome Bizo’o.

Bitome Bizo’o et son daman, un lien mystique

Pour Zwe Nguema, Bitome Bizo’o, appelé Bitome Bizogo dans d’autres tribus Ekang, était un illuminé, un homme empreint de mystère, un maître incontesté du Mvett, issu du clan Yengü. Mais ce qui le distinguait des autres, c’était son lien unique avec un animal : le daman.

Avant chaque séance de Mvett, Bitome Bizo’o se tenait au centre de la cour du village et, à son coup de sifflet, un daman lui répondait en chantant. Peu après, l’animal apparaissait et venait s’installer à ses côtés dans la maison commune. Tant que le daman était là, Bitome pouvait jouer. Dès que l’animal s’en allait, Bitome clôturait la séance.

Selon le Dr Angèle Christine Ondo, dans Mvett Ekang : Forme et sens, ce daman était plus qu’un compagnon : il était le double de Bitome Bizo’o. Cet animal, doté d’une voix puissante et mélancolique, ne chantait que la nuit, et sa plainte portait à des distances inimaginables. Ainsi, dans l’obscurité mystérieuse de la nuit africaine, seules les voix de Bitome et de son daman résonnaient.

Dans la symbolique du Mvett, la voix du daman incarne les neuf voix mystiques tant convoitisées par tout mbom mvett. L’instrument lui-même possède huit cordes produisant huit sons, assimilables à huit voix. La neuvième voix, celle du mbom mvett, complète ce cercle mystique des neuf sons primordiaux.

La mort de Bitome Bizogo et la transmission mystérieuse

Sentant la mort approcher, Bitome Bizo’o réunit les neuf joueurs de Mvett qu’il avait formés. Il leur annonça qu’il était temps de leur transmettre les secrets ultimes de son art. Ses disciples, menés par Obiang Atomo et Edou Emvo’o, furent surpris. Leur maître était en parfaite santé, pourquoi parlait-il ainsi ?

Bitome les rassura : il n’était pas malade, il ne souffrait de rien. Il était simplement venu le moment pour lui de se séparer de la vie et de laisser le Mvett se perpétuer.

Il se rendit en brousse, cueillit des herbes et ramassa des écorces d’arbres. De retour au village, il mêla ces éléments à de l’eau dans une marmite qu’il mit sur le feu. Il y ajouta un coq fraîchement sacrifié, l’oiseau Otok et un lémurien. Puis, dans un geste solennel, il prit son couteau à double tranchant, s’ouvrit le ventre, extirpa son foie et son cœur, et les plongea dans la marmite qu’il continua de remuer.

Lorsque la cuisson fut achevée, il les partagea entre ses disciples et à chacun, il donna une part du cœur et une part de foie en leur disant :

« Chaque conteur de Mvett devra toujours posséder mon cœur et mon foie. Soyez les continuateurs de mon art. »

Puis, il leur donna ses ultimes recommandations :

« Après ma mort, enterrez-moi derrière la maison commune. La nuit venue, rangez-vous sous la véranda arrière de ma maison, face à ma tombe. Jouez alors le Mvett. Un chant s’élèvera de ma tombe. Lorsque vous l’entendrez, tendez les bras au ciel pour recevoir les secrets, les charmes et les mélodies du Mvett. »

Pendant que ses disciples mangeaient, Bitome Bizo’o entra dans sa case et disparut à jamais. Il s’était séparé de la vie.

Fidèles à ses paroles, ses disciples exécutèrent ses recommandations à la lettre. Lorsque le chant s’éleva de la tombe de Bitome Bizo’o, ils tendirent les bras au ciel et reçurent l’héritage mystique de leur maître.

Ainsi, l’œuvre survécut à son Maître. Bitome Bizo’o ne mourut jamais : il devint immortel.

Notes de référence 

  • Du Mvett, Essai sur la dynastie Ekang Nna de Daniel Assoumou Ndoutoume
  • Mvett Ekang : forme et sens de Angèle Christine Ondo.

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