Oyono Ada Ngono et son école de Mvet

Oyono Ada Ngono

Table des matières

Le Mvett, instrument mythique et symbole de la culture Ekang, est plus qu’un simple outil musical. Il est l’incarnation des récits, des épopées et de l’âme d’un peuple. Son histoire est indissociablement liée à celle d’Oyono Ada Ngono, une figure légendaire dont l’impact résonne encore dans les traditions et les chants des Ekang. Cette narration nous plonge dans l’univers fascinant de l’école de Mvett, fondée par Oyono Ada Ngono, et explore la manière dont cet art a évolué au fil des générations.

Les origines du Mvett : de Nna Otse à Ekang Nna

Le Mvett trouve ses racines dans un instrument simple, inventé par Nna Otse, le père d’Ekang Nna. Selon Daniel Assoumou Ndoutoume dans « Du Mvett, Essai sur la dynastie Ekang Nna », cet instrument était une harpe rudimentaire faite d’une tige d’arbuste recourbée, équipée d’une corde fixée à ses deux extrémités, et d’une demi-calebasse servant d’enceinte acoustique. Ce prototype, comparable au Berimbau brésilien, se jouait avec une baguette de bois. À la mort de Nna Otse, son fils Ekang Nna hérita de cet instrument. Passionné, Ekang Nna décida de le perfectionner en ajoutant un archet (Engo) vers le milieu de la tige, créant ainsi une corde dédoublée qui produisait des notes musicales distinctes. Cette innovation marqua le début de l’évolution du Mvett.

Ada Ngono : la beauté convoitée et mère de Oyono Ada Ngono

Tsira Ndong, dans « Le Mvett, l’homme, la mort et l’immortalité », raconte qu’Ekang Nna avait une fille d’une beauté exceptionnelle, Okome Ekang, surnommée Ada Ngono, « la plus belle des plus belles ». Sa beauté attira les convoitises des hommes et des esprits, notamment celle de Zogo Bikükü, un puissant membre de la tribu Yemebett. Bien qu’Ekang Nna refusa de marier sa fille, elle entretint une relation intime avec Zogo Bikükü, donnant naissance à deux fils : Oyono Ada Ngono et Ebè Okome. Tandis qu’Ebè Okome se maria et eut de nombreux enfants, Oyono Ada Ngono choisit une voie différente, se consacrant à la guerre et à la musique, et devenant le premier à qui le Mvett fut révélé.

L'évolution du Mvett : de l'instrument à l'épopée

Comme son grand-père avant lui, Oyono Ada Ngono s’intéressa à la harpe et, rapidement, il en devint un maître incontesté. Il perfectionna l’instrument, transformant la harpe en ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de mvett. Oyono Ada Ngono abandonna les simples contes pour se consacrer à des épopées, forgeant ainsi l’art du Mvett tel que nous le connaissons. Il est reconnu comme celui qui a vulgarisé le Mvett, le portant à des sommets de complexité musicale et narrative. La presque totalité des joueurs consultés sont formels et affirment que c’est Oyono Ada Ngono qui jouait du Mvett à Engong Zok Mebegue Mba chez Mba Evini Ekang.

Oyono Ada Ngono : le père des mélodies et guerrier mystique

Reconnu pour son allure imposante, Oyono Ada Ngono était un homme grand, très beau, athlétique, au regard perçant, doté d’une voix à la fois mélodieuse et puissante. Sa peau presque blanche ajoutait à son aura mystique. Il emportait le mvett dans les batailles, il déclenchait des phénomènes naturels tels que des tonnerres et des tourbillons. Profondément croyant, avant chaque combat, Oyono Ada Ngono se retirait dans la solitude d’une hutte ou d’une forêt pour invoquer Tare Zame, espérant ainsi obtenir la grâce divine et la victoire. On dit qu’il communiquait directement avec Tare Zame, suivant ses directives dans ses actes.

La révélation du Mvett et l'épopée Fang

Tsira Ndong, dans « Le Mvett, épopée Fang » (pp. 16-17), relate que la découverte du Mvett remonte à l’époque des migrations des Fang. Ces derniers, selon les récits et les contes de leurs ancêtres, descendaient des rives du Nil, d’où ils auraient été pourchassés par les Mvélé ou Basaa. Lors de cette fuite désespérée, un événement marqua l’histoire : Oyono Ada Ngono, grand musicien et guerrier parmi eux, s’effondra soudainement, inconscient. Son corps inerte fut porté par ses compagnons de route pendant une semaine entière, dans une marche incessante. Contre toute attente, Oyono sortit de ce coma mystérieux et, revenu à la vie, il annonça à ses compagnons qu’il venait de découvrir un moyen infaillible pour raviver leur courage.

Autour de lui, hommes, femmes et enfants se rassemblèrent, avides d’entendre ce qu’il avait à dire. Se dressant devant eux, il les harangua avec une détermination farouche : « Mes frères, les Mvélé sont plus puissants que nous, ils nous pourchassent partout, mais nous devons nous venger. Puisque nous ne pouvons rien contre ces maudits Mvélé, allons toujours de l’avant, mais à notre tour pourchassons toutes les races, fortes ou faibles que nous trouverons sur notre chemin. Nous pillerons les villages pour nous ravitailler, ferons aux autres ce que les Mvélé nous ont fait. Nous sommes forts, ayons confiance en cette force. »

Il ajouta avec une ferveur qui fit vibrer son auditoire : « Toutes les fois que je dirai :

– Je sème le vent ! Vous répondrez : Oui !

– Je tire l’éléphant ! Vous répondrez : Oui !

– Que les oreilles écoutent ! Vous répondrez : Qu’elles écoutent le Mvett ! »

Ainsi naquit le premier chant du Mvett. Pour donner forme à cette nouvelle arme spirituelle, Oyono Ada Ngono prit une tige de palmier-bambou, en détacha quatre cordes sans les séparer complètement de la tige, et fixa à chaque extrémité des anneaux de liane pour accorder l’instrument. Au centre de la tige, il planta un levier qui soutenait les cordes, produisant ainsi des sons distincts, organisés selon une gamme complexe. Le Mvett, tel que nous le connaissons, venait de voir le jour.

Tout en jouant de cet instrument, Oyono Ada Ngono commença à narrer les épopées d’un peuple guerrier imaginaire, qu’il appela le « Peuple d’Engong » ou Peuple de Fer. Ces récits héroïques enflammèrent l’âme des Fang, les poussant à se lancer avec une violence inouïe contre les peuplades du Sud-Ouest, pillant et dévastant tout sur leur passage. Leur marche les mena le long de l’Ouellé et de l’Oubangui, jusqu’à l’Ouest, où ils se heurtèrent à un obstacle naturel vers la région de Kam-Elone, un arbre gigantesque qui bloqua leur chemin pendant plusieurs années. Ce n’est qu’en ouvrant un passage à travers le tronc que la caravane put continuer sa route. La légende veut que le nom « Cameroun » soit né de la déformation de Kam-Elone, suggérant que les Fang auraient alors occupé la région entre Berbérati, Yaoundé et Ouesso.

Evolution du Mvet Oyono Ada Ngono

Evolution du Mvet (source : Livre « Du Mvett: essai sur la dynastie Ekang Nna » de Daniel Assoumou Ndoutoume)

Généalogie de l’Ecole de mvett d’Oyono Ada Ngono

Angèle Christine Ondo rapporte qu’Oyono Okome ne laissa aucune descendance directe. Conscient de la nécessité de transmettre son savoir, il fonda une école de Mvett destinée à perpétuer non seulement son nom, mais aussi celui des Ekang, tout en conservant les enseignements sacrés sur les origines de la vie, de l’homme, et sur la voie à suivre pour trouver et fonder un nouveau pays. Cette école devait également garantir la transmission de ses enseignements.

Ainsi, tous les musiciens et poètes désireux de maîtriser l’art du Mvett doivent passer par l’initiation traditionnelle instituée par Oyono Ada Ngono. Il n’existe aucune autre école de Mvett en dehors de celle-là, comme le souligne Angèle Christine Ondo dans son ouvrage « Mvett Ekang, les figures de pensée » (page 14).

À la page 375, Angèle Christine Ondo poursuit en décrivant les membres éminents de cette école fondée par Oyono Ada Ngono, tous des Grands Maîtres qui ont suivi la rigoureuse formation qu’elle impose. Voici les noms des figures majeures de cette école :

  1. Tsira Ndong Ndoutoume
  2. Zwé Nguéma
  3. Elô Sima
  4. Menguire M’Edang
  5. Ebang Alen Mintem
  6. Ondo Ngüü
  7. Esonne Mvé
  8. Bitom Bizogo
  9. Edou Emvoo
  10. Ndong Mekwigne, surnommé Abong Yirbe Nnong
  11. Ndzeye Zok
  12. Minenga Nkü (une femme, héritière directe de Oyono Ada Ngono)
  13. Oyono Ada Ngono lui-même

Dans son ouvrage, à la page 370, Angèle Christine Ondo met en lumière un fait remarquable : la deuxième personnalité de cet aréopage d’illuminés est une femme, la nommée Minenga Nkü. Pour occuper une place si prépondérante dans cette généalogie, il est évident qu’elle a grandement contribué au développement du Mvett à travers le monde. Angèle Christine Ondo suggère également que des recherches plus approfondies pourraient, un jour, révéler le véritable nom de cette figure énigmatique.

Conclusion : l'héritage immortel d'Oyono Ada Ngono

Oyono Ada quitta Engong pour venir enseigner le Mvett aux Fang, célébrant les hauts faits de la dynastie Ekang Nna et ouvrant la voie à l’immortalité. Sa légende affirme qu’étant immortel, il revient à chaque fois que l’humanité en a besoin. Depuis, de nombreux joueurs de Mvett se sont succédé, chacun apportant sa pierre à cet édifice musical et spirituel. Grâce à eux, le Mvett occupe aujourd’hui une place centrale dans la littérature orale des Ekang, témoignage vivant de l’héritage laissé par Oyono Ada Ngono et son école.

Notes de référence :

  • Tsira Ndong Ndoutoume « Le Mvett, l’homme, la mort et l’immortalité »
  • Daniel Assoumou Ndoutoume « Du Mvett, Essai sur la dynastie Ekang Nna »
  • Tsira Ndong Ndoutoume « Le Mvett, épopée Fang »
  • Angèle Christine Ondo « Mvett Ekang, les figures de pensée »

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