A la découverte des jeux patrimoniaux Ekang

Jeux patrimoniaux Ekang

Le 18 mai 2019, la ville d’Ebolowa, au Cameroun, a marqué un tournant significatif dans la promotion des cultures locales en accueillant la première édition du Festival des Jeux et Sports patrimoniaux Ekang, intitulé Nkum Ezam. Inauguré par le promoteur Yannick Aba’a Essono, ce festival a non seulement réussi à rassembler les jeunes autour de pratiques anciennes, mais a également suscité une réflexion sur l’organisation de festivals similaires ailleurs, notamment au Gabon. Ce contexte met en lumière un enjeu crucial : la préservation des jeux patrimoniaux Ekang, qui sont actuellement menacés de disparition.

À une époque où le numérique occupe une place prépondérante dans les loisirs, ces jeux traditionnels souffrent d’une large méconnaissance, notamment parmi les jeunes générations. La popularité croissante des jeux vidéo ou autres divertissements électroniques tend à éclipser ces pratiques culturelles riches. Les jeux patrimoniaux souffrent donc d’un manque de promotion dans les écoles et d’une absence d’organisation de tournois, ce qui contribue à leur disparition.

Les jeux patrimoniaux Ekang, pourtant, sont d’une richesse indéniable, car ils englobent des jeux de stratégie, et plusieurs d’entre eux sont des jeux d’adresse et de tactique qui stimulent les jeunes dès le bas âge et développent leur intelligence.

Le jeu Songo

Le Songo, connu aussi sous le nom de Mimbang au Cameroun ou Akong en Guinée Équatoriale, est un jeu de stratégie qui exige une grande ingéniosité pour déjouer les coups de l’adversaire. Opposant deux joueurs, il se joue avec 70 pions, disposés sur un plateau de 14 cases, symbolisant à la fois la compétition et la camaraderie.

Le Jeu d’Abbia

Le jeu d’Abbia, autrefois populaire auprès des Ekang, a malheureusement disparu en raison de son interdiction par les colonisateurs allemands au début du 20e siècle. D’une grande richesse symbolique, ce jeu se pratiquait avec des jetons artisanaux richement décorés de symboles cultuels et spirituels du peuple Ekang. Le jeu intégrait des paris, ce qui était source de tensions violentes au sein de la communauté car certains pariaient leur plantation, leur bétail et parfois même une de leur épouse.

Mësing, un sport patrimonial Ekang

La lutte traditionnelle Ekang, appelée Mësing chez les Fang-Beti ou Massing chez les Basaa, se distinguait par des combats corps à corps, mettant l’accent sur la technique plutôt que sur la force brute. Souvent pratiquée par des femmes dans les villages, cette discipline est un ancêtre du judo, où l’habileté et la force priment sur la masse musculaire.

Emvala

L’Emvala ou « Les Claquettes », est un jeu très physique pratiqué par les petites filles. Alliant chant, danse et mouvements rythmés en claquant les mains, il favorise la coordination et l’esprit de compétition ludique. Ce jeu, pouvant s’étendre sur plusieurs heures, permettait aux jeunes filles de transpirer car c’est aussi un sport et de resserrer les liens d’amitié. Les meilleures amitiés se tissaient très souvent autour du jeu Emvala.

Autres jeux patrimoniaux Ekang

Dans la vidéo ci-dessous, vous découvrirez d’autres jeux, tels que Nahna (le jeu des cercles concentriques), Mbang, Ndjeck (un jeu d’adresse consistant à planter une flèche sur une cible en mouvement), Aka nteme (la marelle), Ewos (le lancer de cailloux), Nseng songo si (Jeu à 3 pions par joueur, pouvant se déplacer sur 9 diagonales ou lignes. Le but est de réussir à aligner ses trois pions sans être bloqué par son adversaire), Ndongo (un jeu d’adresse) et Mekondom (un jeu d’équilibre, de rapidité et de stratégie avec des joueurs sur des échasses). Chacun de ces jeux est porteur de valeurs sociales essentielles à la vie en communauté.

L'urgence de la préservation

Malgré leur patrimoine culturel indéniable, ces jeux font face à un avenir incertain. D’une part, les dynamiques contemporaines opposent ces pratiques aux divertissements numériques, et d’autre part, l’absence de structures organisées pour célébrer ces jeux, contribue à leur perte. Le festival des jeux patrimoniaux Ekang représente donc bien plus qu’une simple célébration : c’est un appel urgent à l’action pour préserver ces jeux et encourager leur transmission auprès des jeunes.

Les perspectives

Face à la généralisation du numérique et au fait que les jeunes aujourd’hui ne sont plus très attirés par des activités à l’extérieur, des Informaticiens et des Mathématiciens Ekang du Cameroun et du Gabon ont créé, depuis quelques années, quatre applications permettant de jouer au Songo en ligne. Parmi celles-ci figurent des applications de jeu en ligne via site Internet et des applications téléchargeables depuis Play Store. Nous avons sollicité l’un d’eux pour lui suggérer l’idée de création d’une application pour le jeu Abbia. Les Ekang l’ont bien compris : pour que certains de nos jeux puissent traverser le temps, il est nécessaire de trouver des moyens de les adapter à l’évolution de notre ère.

Conclusion

Il est impératif d’agir pour assurer la survie des jeux patrimoniaux Ekang. Leur préservation passe par des festivals, des tournois organisés et une intégration dans les cours de récréation des écoles. En célébrant ces jeux, nous honorons non seulement un héritage culturel, mais nous créons également un espace pour le dialogue, le partage et la convivialité intergénérationnelle. Engageons-nous à faire des jeux patrimoniaux Ekang une fierté vivante pour les générations à venir.

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