L’histoire des peuples du Sud-Cameroun regorge d’épisodes de résistance, de guerres et de réconciliations. Parmi ces récits, l’OBAN FANG, ou la vengeance de Nsim Biyo’o, chef des Yemeyema’a, se distingue par sa violence et sa portée symbolique. Ce texte retrace les événements qui ont mené à cette guerre, son déroulement, et les conséquences qui en ont découlé, mettant en lumière un épisode clé de l’histoire précoloniale de cette région.
Le Contexte Historique : La Fuite et le Retour des Yemeyema’a
Les Yemeyema’a, habitants de Nkongmekak, furent contraints à l’exil après la défaite subie lors de la guerre d’OBAN BULU. Cette retraite les amena à Minkale, où ils trouvèrent refuge en attendant un moment opportun pour riposter. Ce n’est qu’après le départ des troupes d’Ele Mendomo qu’ils décidèrent de reprendre les armes et de reconquérir leur territoire. Ce contexte d’incertitude et de désir de revanche forma le terreau de l’OBAN FANG.
La Réorganisation des Forces Sous Nsim Biyo’o
À leur retour, le chef Nsim Biyo’o de Nkongmekak entreprit de réorganiser son état-major, déterminé à prendre sa revanche sur les Bulu d’Ebolowa. Pour cela, il sollicita et obtint l’appui des Ntumu et des Mvae, renforçant ainsi sa force de frappe. Le Révérend Philémon Efanden, dans son ouvrage « Histoires et Chroniques d’une tribu Bulu du Sud-Cameroun », situe ces événements entre 1887 et 1889, juste avant l’arrivée des Européens.
L’Engagement et la Préparation à la Guerre
Nsim Biyo’o fit prêter serment à ses guerriers. Ceux-ci s’engagèrent solennellement à ne rien laisser de vivant sur leur passage, incluant même les animaux domestiques. Les villages conquis devaient être laissés dans un état de désolation totale. Pour mener à bien cette mission, Nsim Biyo’o prépara divers types d’armes : des tyabe (fusils artisanaux), des mekong (lances), des minfang (arcs et flèches), des mefa (machettes) et atyeng (couteaux). Ainsi armés, les guerriers étaient prêts à infliger une vengeance impitoyable, désignée sous le nom d’OBAN FANG.
L’Extermination : De Nkotoveng à Zingui
La campagne de vengeance débuta à Nkotoveng et s’étendit jusqu’à Zingui, ravageant tout sur son passage. La violence des combats et la détermination des Yemeyema’a marquèrent profondément cette période. Selon le Révérend Philémon Efanden, ce n’est qu’à partir de Zingui que les Bulu d’Ebolowa, sous la direction des chefs Evina Minko du village Azem, Mvondo Ntimban d’Ebolowa, et Edjo’o Ndile de Nko’ovos-Si, prirent conscience de la gravité de la situation. Ils envoyèrent alors des médiateurs pour négocier un cessez-le-feu, demandant une réunion d’urgence à Ebolowa-Si, au lieu-dit DUM E BETE AKOK.
© Une Photo de Kéza Evina Minko’o d’Azem (1840 – 1925) – Cameroun Rétro Photo du passé
Les Négociations de Paix et le Cessez-le-Feu
La réunion eut lieu en présence de Nsim Biyo’o, des patriarches Bulu de Sangmélima et Djoum, ainsi que des chefs Ntumu et Mvae. Les négociations aboutirent à un accord de paix. Les termes du traité furent clairs : il ne devait plus y avoir de guerre entre les Bulu et il devait avoir la paix entre les Bulu, les Beti, les Ntumu et les Mvae. De plus, la libre circulation des hommes devait être garantie sur tout le territoire Bulu, consolidant ainsi la paix entre ces peuples autrefois en guerre.
La Fin Tragique de Nsim Biyo’o et l’Épilogue de l’OBAN FANG
Après la signature du traité, les principaux chefs, dont Ele Mendomo de Ngoulemakong, Evina Minko de Azem, Edjo’o Ndile de Nko’ovos, et Mvondo Ntimban de Ebolowa-Si, moururent les uns après les autres dans leurs villages respectifs. Quant à Nsim Biyo’o, sur le chemin du retour, il fit une halte à Nkotoveng, où il décida de mettre fin à ses jours. Ayant prêté serment de ne plus tuer de Bulu, il ne pouvait envisager de rentrer à Nkongmekak sans se venger de ceux qui l’avaient trahi. Cette décision dramatique marqua la fin de l’OBAN FANG, laissant derrière elle un lourd héritage de violence et de trahison.
Conclusion
L’OBAN FANG reste un épisode emblématique de l’histoire des Bulu et des peuples frères voisins, illustrant à la fois la brutalité des guerres intertribales et la complexité des alliances et des trahisons qui les sous-tendaient. Ce récit, en plus de dévoiler un aspect méconnu de l’histoire Bulu, nous incite à approfondir nos recherches et à interroger d’autres sources, non seulement chez les Bulu, mais également parmi les Beti, les Ntumu, et les Mvae, afin qu’ils apportent chacun leur contribution afin d’enrichir cette histoire.
Note de référence :
« Histoires et chroniques d’une tribu Bulu du Sud-Cameroun, les Yemeyema’a de Nkongmekak » Révérend Philémon EFANDEN.