À New Delhi, le 10 décembre 2025, la nouvelle a suscité une vive émotion au sein des communautés Ekang du Cameroun, du Gabon, de Guinée équatoriale et de République du Congo : leur harpe-cithare sacrée est portée au-devant de la scène mondiale. Réuni dans la capitale indienne à l’occasion de sa 20e session, le Comité intergouvernemental de l’UNESCO a inscrit le Mvet Oyeng sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Une consécration pour un art épique et musical majeur de la communauté Ekang, et un moment fort pour les États respectifs.
Le dossier a en effet été présenté dans le cadre d’une initiative transfrontalière portée conjointement par le Gabon, le Cameroun et le Congo, avec une extension annoncée vers la Guinée équatoriale et Sao Tomé-et-Principe, autant de territoires où la communauté Ekang est présente et où se perpétue cette tradition.
Une tradition complète, où l’épopée se partage
Selon Tsira Ndong Ndoutoume, le mvet est un instrument d’une longueur variant entre 1 mètre et 1,30 mètre. Il est fabriqué à partir d’une tige de palmier raphia séché, sur laquelle sont détachées quatre lamelles disposées sur le dos, sans être libérées entièrement aux extrémités. Chaque extrémité est munie de quatre anneaux en liane qui enserrent chacune des lamelles et coulissent le long de la tige pour l’accord de l’instrument. Chaque lamelle est soigneusement travaillée au coureau pour garantir une surface lisse, et est équipée d’un anneau à chacune de ses extrémités. Au centre de la tige est fixé un chevalet en bois, doté de quatre entailles à une hauteur appropriée pour soutenir les lamelles. À l’extrémité opposée du chevalet, trois ou quatre calebasses évidées et séchées sont attachées, servant de caisse de résonance. Ainsi, l’instrument est constitué de huit cordes, chacune produisant des sonorités différentes selon une gamme complexe.
De nos jours, les lamelles de bambou sont souvent remplacées par des fils de fer, réputés pour leur résistance accrue. « Oyeng », quant à lui, est une désignation poétique pour l’instrument mvet, dérivée du terme neng-dzang, qui fait référence à une branche du palmier raphia ou du palmier bambou.
Une reconnaissance qui engage autant qu’elle honore
L’inscription du Mvet Oyeng par l’UNESCO participe à la reconnaissance de sa profondeur et rappelle l’exigence de sa sauvegarde. Longtemps transmis par l’oralité, l’apprentissage pratique et les rites associés, cet art trouve aujourd’hui une visibilité nouvelle, à la hauteur de son rôle : dire l’histoire, relier les générations, porter la langue et maintenir vivant un imaginaire collectif.
À New Delhi, le 10 décembre 2025, ce n’est donc pas seulement une tradition qui a été distinguée : c’est aussi la voix des ancêtres qui ont œuvré afin que cet héritage se perpétue, et qui rejoint aujourd’hui officiellement le patrimoine commun de l’humanité.
« C’est une victoire collective. Elle consacre non seulement le Mvet Oyeng, mais aussi toutes les communautés qui ont gardé vivante cette tradition à travers les générations. Cet acte fondamental vient couronner dix ans de travail, des nuits sans sommeil, des célébrations culturelles “Medzo Me y’Aba’a”, et des prises de risque sans fin », a déclaré Venant Zue Ntougou, fondateur de l’ONG Génération Ekang, l’un des artisans de ce projet et invité à New Delhi.
Felix Atemengue
Journaliste, presse camerounaise pour le compte de Savoir-Faire Ekang
Reportage de l’UNESCO sur le Mvet Oyeng


