L’épopée de Ndzana Nga Zogo, Ndzana fils de Nga Zogo

L’épopée de Ndzana Nga Zogo

La parole abonde, si ce n’est que l’oreille, elle, est le plus souvent sourde. Un seul séant a toujours trouvé chaise à son confort. Qui croirait que la girafe tombée à l’eau perdra ses couleurs ? Peut-être la carie de mes dents noircira aussi mon crachat.

Au retour du marché, je rencontre une femme qui m’entreprend par ses charmes. Je me vois même payer une de ces distilleries que nous appelons depuis nos ancêtres « Kpara ». C’est dire si c’est une corruptrice.

Honorer une telle noblesse d’âge, que même mon frère aîné s’obligerait juste à vénérer ?

Non ! Oui, parce que la noblesse arrive avec le pubis grisonnant chez celle-ci déjà porteuse de rondeurs les plus obèses, je dis non !

Approchez, approchez donc !

Voici enfin celle de NGAZOGO :

Ngazogo trouva la maternité au prix de réelles difficultés. Plusieurs enfants qu’elle eut moururent très tôt après la naissance. Vint alors Ndzana, qui pendant trois, quatre ans, endurait l’école et la quitta pour des amours vraiment charnelles.

Ce n’était plus le Ndzana flambeur, ce n’était plus le Ndzana tombeur.

Forces vives de mon village, jeunesse, ne courez pas les veuves, non pas qu’elles ne soient désirables, non, elles appartiennent à d’autres qui de surcroît sont partis.

« Voudrais-tu me passer la jambe sur le corps cette nuit, Ndzana ? »

C’est la co-épouse de ta mère qui parle ainsi à Ndzana.

Ndzana s’arrangea pour se laver à l’eau que lui offrait sa belle-mère cette nuit-là, et il but le vin qu’elle lui donnait. Que croyez-vous donc qu’il y eut cette nuit-là entre eux ?

Ndzana ronfle. Ndzana roupille. La belle-mère sans succès de secouer ce Ndzana dormeur.

À la pointe du jour, la co-épouse de NGAZOGO :

« Ngazogo, ma co-épouse… »

« Oui ? »

« C’est bien comme on le dit. Il a la vigueur des moineaux. Il est éyel, Ndzana est impuissant ! »

À sa demande, Ngazogo réunit de ses vingt-sept co-épouses, vingt-sept écorces d’arbres, indiquées pour la guérison de Ndzana, ce qui guérit Ndzana. La première victime de son bonheur sera Abomo, la femme de son oncle. Ndzana et Abomo scelleront dans le sang cette union : à la vie à la mort, se promettent-ils d’une seule voix. Abomo, morte deux jours plus tard, laissa à Ndzana sa bague en guise de souvenir.

Pendant qu’il cueillait, à trois lieues de là, son alcool de palme, la voix de sa femme s’éleva : « toli-toli… »

« Qui ? » dit Ndzana

« Qu’as-tu fait du pacte ? »

« Lequel ? »

« À la vie à la mort, notre amour. N’est-ce pas ? »

Encore une fois, Ndzana opina du chef et des fesses : « Bien sûr ! Je te rapporterai la bague sous deux jours. »

Il lui fallait apprêter son voyage. Il vendit donc au marché des noix de palmistes pour sept hottes à trente, cinquante francs la hotte.

Il s’acheta avec cet argent de la pacotille, un caleçon à 7 poches, un costume fripé, une chaussure pareille à un talon.

« Je vais chez ma maîtresse, chez les fantômes. » À ces mots, la femme de Ndzana – Oui, il s’était remarié, vous le deviniez – n’oublia pas de pleurer, de se lamenter : « Oh ooh ».

« Pourquoi pleurer, femme, vous raffolez de chicanes et de richesses matérielles : voici une cacaoyère, et la paix que je te fous en partant. »

La mère de Ndzana, elle aussi, pleurait de son côté : « Toute passion est assassine. Tu mourras d’avoir aimé une veuve. Ainsi soit-il. »

« Koas ! Koas ! Koas ! le pas chaussé » de Ndzana se dirige donc vers le carrefour des mille villages, lorsque « Toali ! Toali ! Ndzana, où vas-tu ? Voici ta demeure. »

Il s’arrêta donc.

« As-tu ma bague, Ndzana ? »

Ndzana lui remit la bague. Elle lui montra les cases de sa tante, de sa belle-sœur, pour le cas où il reviendrait. Elle lui indiqua une chaise, apprêta un couscous. Les Beti étaient une société aux interdits innombrables. Le couscous interdisait à Ndzana de le partager avec quiconque d’autre. Ndzana s’attela donc à consommer seul ce couscous ! Au moment de finir le plat, Abomo serra les fesses et frappa par terre le bâton tourne-couscous : la marmite se remplit de nouveau de couscous ! Ndzana se remit donc à son couscous, jusqu’à ce que la femme l’entraîne vers la chambre où l’attendait le demi-litre de vin de palme. Ayant bu ce demi-litre, l’encens prit feu, les sens de Ndzana s’enflammèrent : le pubis de sa partenaire fut rasé, les six couvertures déchiquetées, le lit de bambou cassé. Minuit passé, trois heures du matin, et Ndzana était toujours à son affaire avec Abomo. Le mari d’Abomo arriva et les prit en flagrant délit. Rappelez-vous qu’ici chez les morts, Abomo, l’ancienne veuve, a retrouvé son époux. L’époux appela donc le policier des fantômes. Le policier s’appelait Abenélanga, qui signifie : sans humour, sans fantaisie. Celui qui refuse blagues et amusements. Abenélanga se saisit d’une matraque et rossa Ndzana. Ndzana emboucha les airs pleureurs, pleura et pleura encore. Il pleurait ainsi, avec une percussion sur son sort.

« Keken, Keken… »

Il repartit chez lui, chez les vivants, où il se mit à raconter son voyage dans l’au-delà. Il mourut après avoir raconté cette histoire.

Ainsi vécut Ndzana Ngazogo.

Chez les Beti, le deuil est une fête pendant laquelle se joue le rythme frénétique de l’esani, qui accompagne le défunt et nous défoule par la même occasion parce que la vie continue. On chantait ce jour-là ces mots sur le Nkul, le tam-tam dit-on :

« Ceux qui aiment les jeunes femmes, les femmes vénérables se mettent au pas de danse ».

 

/*\ Fin de l’épopée Ndzana Nga Zogo

Andjeng Etaba, héritier d'une tradition millénaire

Après cette immersion dans l’épopée de Ndzana Nga Zogo, une autre figure émerge pour représenter la richesse de la culture Beti, celle d’Andjeng Etaba Pantaléon, dit Panta, originaire du pays Eton, maître du Mvet , instrument sacré de la tradition Beti-Fang. Né dans la forêt du centre du Cameroun, Panta hérite de la passion pour cet art ancestral de son grand-père, un joueur émérite, et plus tard de son cousin, Atangana Ngono, qui l’initie à la fabrication et au jeu du Mvet. Cependant, le père de Panta, qui ne voulait pas que son fils joue au Mvet, lui cassait régulièrement ses instruments. Panta ne se découraga pas. Ayant appris tous les secrets de cet art, il continue de jouer et de perfectionner son savoir.

Andjeng Etaba L’épopée de Ndzana Nga Zogo

Photo d’Andjeng Etaba Pantaléon

Sa maîtrise du Mvet lui ouvre les portes des scènes locales et internationales. En parallèle de ses études, il devient un artiste reconnu, se produisant dans des festivals et événements culturels majeurs, où il reçoit à plusieurs reprises le premier prix pour son talent exceptionnel. Sa rencontre avec Sally Nyolo lors d’une tournée sera un moment déterminant, lui permettant de captiver des publics au-delà des frontières camerounaises.

Grâce à ses récits, ses chants et ses performances musicales, Panta préserve et réinvente la tradition Beti, s’efforçant de transmettre un art en voie de disparition. Le Mvet, plus qu’un instrument, incarne une science de la parole chantée, une sagesse transmise de génération en génération, que Panta maîtrise avec une virtuosité qui résonne avec la voix de ses ancêtres. Il n’est pas seulement un joueur de Mvet ; il est le gardien d’un patrimoine immatériel qui continue de vibrer à travers ses performances. Dans une époque où la modernité menace d’effacer ces pratiques culturelles ancestrales, Andjeng Etaba Pantaléon réaffirme leur importance, les réhabilitant et leur redonnant une place centrale dans la culture africaine contemporaine.

Ainsi, le voyage entre l’épopée de Ndzana Nga Zogo et la vie d’Andjeng Etaba Pantaléon nous révèle non seulement la richesse de la culture Beti, mais aussi l’importance de la préservation et de la transmission de ces savoirs ancestraux, qui continuent d’enrichir notre présent et d’inspirer les générations futures.

Note de référence

L’épopée de Ndzana Nga Zogo, Pantaléon, L’homme Mvet, Arion Paris 2002 – Disque Arion – Tous droits réservés

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