Eyenga Nkabe, la vierge d’Oku promise à Engouang Ondo, l’immortel d’Engong, l’homme qui possède le plus grand vampire du monde

Eyenga Nkabe la vierge d'Oku

Table des matières

L’histoire d’Eyenga Nkabe que nous allons vous raconter, est tirée du « Mvett, épopée Fang » de Tsira Ndong Ndoutoume, une œuvre majeure de la tradition orale publiée pour la première fois en 1970, puis en 1983 chez Présence Africaine. Ce livre précieux aujourd’hui en rupture de stock, transmet l’art du Mvett que l’auteur considère comme un « art total », rassemblant des récits d’exploits magiques et héroïques imprégnés de démesure et de surnaturel. Dans cette épopée, Eyenga Nkabe reçoit une mission de son père Nkabe Mbourou à la suite de sa défaite contre Oveng Ndoumou Obame, un puissant guerrier d’Oku. Nkabe Mbourou envoie alors sa fille auprès d’Engouang Ondo, chef des armées d’Engong, pour demander qu’il vienne le venger, lui offrant la main de sa fille en échange. Cette histoire transporte le lecteur dans un monde de combats magiques où l’amour et la loyauté se heurtent aux forces du destin et aux pouvoirs des éléments.

Le combat entre Nkabe Mbourou, chef de la tribu des Orages, et Oveng Ndoumou Obame, chef de la tribu des Flammes

Nkabe Mbourou, chef de la tribu des Orages, affrontait Ela Minko M’Obiang, fils de Minko M’Obiang le grand magicien de la tribu des Flammes, missionné par Oveng Ndoumou Obame pour éradiquer le fer de la surface de la terre. Après avoir vaincu les tribus voisines, Ela Minko se rendit dans la tribu de Nkabe Mbourou pour détruire tout le fer présent. Les deux hommes engagèrent un combat violent d’une intensité telle qu’Oveng Ndoumou Obame intervint lui-même pour libérer Ela Minko et affronta directement Nkabe Mbourou, qu’il finit par blesser en lui brisant la jambe. La fille de Nkabe Mbourou, Eyenga Nkabe, apparut au cours de cette bataille. Fasciné par sa beauté éclatante, Oveng Ndoumou Obame fut immédiatement subjugué par cette jeune femme au teint cuivré et au regard étincelant. Il eut un coup de foudre.

Eyenga, demandant des explications sur la blessure de son père à Oveng Ndoumou Obame qui nia avoir brisé la jambe de son père, reçut un ordre de Nkabe Mbourou de partir pour le pays des Immortels (Engong) afin de solliciter l’aide d’Engouang Ondo, chef de l’armée d’Engong pour qu’il vienne le venger. En échange de cette vengeance, son père offrait sa main à Engouang Ondo. Pris de jalousie, Oveng Ndoumou déclara alors que c’était lui, et non cet immortel, qui devait épouser la belle Eyenga Nkabe.

Eyenga Nkabe : Oveng Ndoumou contre Nkabe Mbourou

Combat entre Oveng Ndoumou Obame et Nkabe Mbourou

Qui est Oveng Ndoumou Obame ?

Oveng Ndoumou Obame, chef de la tribu des Flammes à Oku, descend d’une lignée de guerriers mystiques et possède des pouvoirs uniques. Fils de Ndoumou Obame et de Ntsame Ondo, et petit-fils de l’illustre Obame Ndong, qui dirigea le rituel de son initiation à sa naissance en faisant remplacer tous ses organes, sauf ses muscles et sa peau, par du fer. Convaincu que la disparition du métal mettrait fin aux guerres car servait à fabriquer des armes, Oveng Ndoumou Obame entreprit de collecter et de détruire les métaux de toute la terre.

Qui est Engouang Ondo, l’immortel ?

  • Engouang Ondo est fils d’Ondo Mba
  • Ondo Mba est fils de Mba Evine
  • Mba Evine est fils de Evine Etsang (Evine Ekang)
  • Evine Etsang est fils de Etsang Nna (Ekang Nna)
  • Etsang Nna est fils de Nna Otsé
  • Nna Otsé est fils d’Otsé Zame
  • Otsé Zame est fils de Zame Ola
  • Zame Ola est fils d’Ola Kare
  • Ola Kare est fils de Kare Mebegue
  • Kare Mebegue est fils de Mebegue Me Nkwa

Ainsi de suite…

Engouang Ondo était le chef des armées d’Engong. Il était un chef bon et juste, reconnaissant à chacun le droit de vivre, disant que le fait de posséder l’immortalité ne l’autorisait pas à disposer à sa guise du restant de l’univers. Il désirait ardemment la paix.

Le voyage d’Eyenga Nkabe vers Engong

Eyenga Nkabe se mit en route pour Engong, le pays des Immortels, dans l’espoir de rencontrer Engouang Ondo. En chemin, elle arriva dans un village habité par la tribu de la Barbe. Le chef de cette tribu, Olong Ndong, touché par son histoire, lui offrit une panthère pour l’accompagner et la protéger. Cette créature rapide et puissante lui permit de franchir de nombreux territoires hostiles. Juchée sur le dos de la panthère, Eyenga traversa de nombreuses tribus au cours de son voyage, évitant les dangers et poursuivant sa route sans faillir.

L’arrivée d'Eyenga à Engong, le pays des Immortels

Après un long périple, Eyenga arriva enfin au pays d’Engong sous un soleil radieux. Engong, ce pays mystérieux hantant les mortels d’Oku, l’accueillit alors qu’elle atteignait Mveng Ayong, le premier village d’Engong. Engouang Ondo et le conseil des anciens l’attendaient, ayant été prévenus de son arrivée par le tam-tam d’Ondo-Mvé, qui habitait Nkol-Amvam, le dernier village avant Engong, où elle avait passé la nuit.

Eyenga Nkabe traversa Mveng Ayong, les femmes interrompirent leurs occupations ménagères pour admirer avidement la jeune fille de la tribu des Orages d’Oku et s’exclamèrent : « Les propagateurs de nouvelles n’ont pas menti, cette jeune femme est aussi belle qu’une lune ronde dans le firmament étoilé. »

Eyenga Nkabe à Engong, le pays des Immortels

Eyenga Nkabe arrive à Engong

Eyenga face à Engouang Ondo et au Conseil d’Engong

Eyenga arriva auprès d’Engouang Ondo et du conseil d’Engong qui l’attendait. Devant Engouang Ondo et les anciens d’Engong, elle se présenta et expliqua la raison de sa venue. Elle demanda justice au nom de son père blessé par Oveng Ndoumou Obame et ajouta que son père l’offrait en mariage à Engouang Ondo, sans qu’une dot ne soit réclamée.

Engouang Ondo sourit. Il trouva Eyenga belle et se tourna vers Akoma Mba, le chef suprême d’Engong, pour lui demander ce qu’il fallait faire. Ce dernier lui répondit que le conseil des anciens se réunirait pour décider. Après délibération, le conseil reconnut la pureté et la beauté d’Eyenga et, conformément à la volonté de son père, la déclara épouse d’Engouang Ondo. Cependant, le conseil avertit Engouang Ondo qu’Oveng Ndoumou Obame, homme puissant, convoitait Eyenga et ne renoncerait pas facilement à elle.

L’intervention d’Oveng Ndoumou Obame et l’enlèvement d’Eyenga Nkabe

Peu de temps après, Oveng Ndoumou Obame Ndong et Ela Minko m’Obiang, les deux guerriers d’Oku rencontrèrent les guerriers d’Engong : Ntoutoume Mfoulou, Ze Medang et Obiang Medza.

Dans cette scène de combat inévitable, Eyenga Nkabe fit son apparition, tenant la main d’Engouang Ondo. Elle regarda Oveng Ndoumou Obame, qui était fou de jalousie. Eyenga Nkabe était en réalité amoureuse d’Oveng Ndoumou Obame, mais elle maudissait le destin d’avoir favorisé ce lien avec lui, cet homme qui avait brisé la jambe de son père, cet homme invulnérable qui voulait faire disparaître le fer de la surface de la terre. Elle avait honte d’aimer le tortionnaire de son père. Elle savait qu’elle était l’enjeu de cette bataille entre les hommes forts d’Engong et ceux d’Oku et pria pour qu’Oveng Ndoumou Obame en sorte vainqueur.

Oveng Ndoumou Obame, n’ayant jamais renoncé à Eyenga, utilisa des tours de magie pour l’enlever et l’emmener dans son village afin de l’épouser. Oveng Ndoumou Obame et Eyenga se marièrent, ce qui rendit Engouang Ondo furieux, il se sentait insulté et le peuple d’Engong, humilié.

Engouang Ondo donna alors l’ordre aux guerriers d’Engong d’aller enlever Eyenga Nkabe et de la ramener à Engong.

 

Le combat des titans : Engouang Ondo contre Oveng Ndoumou Obame

Les trois guerriers d’Engong arrivèrent chez Oveng Ndoumou Obame, réussirent à expédier Eyenga à Engong par les airs, puis défièrent Oveng Ndoumou au combat. Un affrontement inévitable éclata entre Engouang Ondo et Oveng Ndoumou Obame. Leur bataille dura plusieurs jours, chacun opposant sa force dans un déferlement de puissance magique et de ruses. Finalement, Engouang Ondo prit le dessus mais choisit de ne pas tuer Oveng Ndoumou, par respect pour sa bravoure et le fit prisonnier.

Engouang Ondo emmena son prisonnier Oveng Ndoumou à Engong et le présenta au Conseil. Reconnaissant qu’Oveng Ndoumou s’était battu en homme d’honneur, qu’il avait respecté ses adversaires, défendu loyalement sa cause et tenant compte du fait qu’il ne pouvait tolérer l’anéantissement total d’une tribu, Engouang Ondo demanda que sa vie soit épargnée. Toutefois, il refusa de lui céder Eyenga qui lui avait été promise selon la volonté de son père qu’il souhaitait respecter. En guise de réconciliation, il proposa à Oveng Ndoumou la main de sa sœur, Mengué M’Ondo, toute aussi belle qu’Eyenga.

Touché par ce geste, Oveng Ndoumou, qui avait toujours admiré Engouang Ondo, accepta d’épouser Mengué M’Ondo.

Eyenga Nkabe : Engouang Ondo contre Oveng Ndoumou Obame

Combat entre Engouang Ondo et Oveng Ndoumou Obame

Les noces et la paix

Deux mariages furent célébrés à Engong : celui d’Engouang Ondo avec Eyenga Nkabe et celui d’Oveng Ndoumou Obame avec Mengué M’Ondo. Eyenga rejoignit Engouang Ondo dans sa demeure de Nda Bigounda, la maison oscillant dans le vide, mirador suspendu servant de poste de contrôle d’Engong. Elle accepta ses nouvelles fonctions d’épouse d’un chef vénéré. Très vite, elle se sentit bien auprès d’Engouang Ondo et refoula ses souvenirs secrets au fond de sa mémoire.

Quant à Oveng Ndoumou Obame, il disparut avec sa nouvelle épouse Mengué M’Ondo, emporté par les nuages, fidèle à sa nature mystique.

Analyse de l’histoire et tentative d’explication des thèmes majeurs

1. Conflit entre loyauté familiale et désirs personnels : Eyenga Nkabe incarne ce dilemme : elle est envoyée par son père pour solliciter l’aide d’Engouang Ondo en échange de sa main, une mission qu’elle accepte par loyauté familiale. Pourtant, elle éprouve des sentiments pour Oveng Ndoumou Obame, celui même qui a blessé son père. Ce conflit interne entre son devoir envers sa famille et ses émotions complexes envers Oveng Ndoumou montre la tension entre l’honneur filial et le désir individuel.

 

2.La dualité de la force et de la paix : Engouang Ondo, chef des Immortels, est décrit comme un être sage, aspirant à la paix malgré sa puissance. Ce caractère noble et pacifiste contraste avec Oveng Ndoumou Obame, guerrier ardent et déterminé à éliminer le métal pour éradiquer la guerre. Les deux chefs, bien que puissants, représentent des idéaux différents — Engouang Ondo prône la maîtrise de la force et la paix, tandis qu’Oveng cherche un moyen drastique d’assurer une paix imposée. L’affrontement final illustre que la sagesse est supérieure à la force brutale, Engouang Ondo épargnant finalement la vie de son rival par respect.

 

3. La quête du pouvoir et ses limites : Oveng Ndoumou Obame, motivé par sa vision idéaliste mais intransigeante de paix, cherche à éradiquer tout métal pour éliminer les armes et les conflits. Sa vision symbolise le danger d’un idéal extrême — bien qu’animé d’intentions nobles, il tombe dans l’obsession et la guerre. Engouang Ondo, par contraste, accepte la pluralité et l’imperfection de l’existence, démontrant une sagesse qui respecte les lois de la vie au-delà des idéaux de domination.

 

4. La résolution des conflits par la diplomatie et le pardon : Le récit se termine par une réconciliation entre les camps, où chacun reçoit une part égale (Eyenga pour Engouang Ondo et la sœur d’Engouang pour Oveng Ndoumou Obame). Plutôt que de chercher une victoire absolue, Engouang Ondo privilégie le pardon et la réconciliation, suggérant que la paix durable vient de compromis et de compréhension mutuelle.

 

Leçons de morale et de sagesse du Mvett Ekang

La grandeur réside dans la maîtrise de soi : Engouang Ondo, bien qu’immortel et doté d’une grande force, choisit la paix et la clémence plutôt que la vengeance. Cette attitude montre que le véritable pouvoir réside dans la maîtrise de soi et le respect de la vie d’autrui. Il rappelle que la sagesse consiste à comprendre que la puissance n’est pas un droit de domination mais une responsabilité de protéger.

L’amour peut être un lien complexe transcendant les querelles : Eyenga Nkabe, malgré son affection pour Oveng Ndoumou, accepte son destin auprès d’Engouang Ondo. Elle parvient à refouler ses sentiments pour préserver l’harmonie. Cette résilience émotionnelle illustre que l’amour, bien qu’il soit parfois contraint, trouve des voies d’apaisement dans la loyauté et la patience, montrant que le bonheur peut émerger d’alliances raisonnables plus que de passions conflictuelles.

Le respect des traditions et des conseils des anciens : Le rôle du conseil d’Engong qui prend la décision d’unir Eyenga et Engouang Ondo, rappelle l’importance de la sagesse collective dans les décisions majeures. Le respect des anciens, symbolisé par leur capacité à écouter, délibérer et choisir ce qui est juste, est valorisé. La sagesse et le dialogue apportent équilibre et permettent d’apaiser les conflits.

La réconciliation par le respect mutuel : En offrant sa sœur à Oveng Ndoumou et en refusant de l’humilier malgré sa défaite, Engouang Ondo montre que le respect mutuel et le partage sont des moyens puissants pouvant conduire à la paix. Cette conclusion invite à voir l’autre, même un ennemi, avec dignité et à promouvoir des solutions de compromis plutôt que d’escalade.

Le respect de la parole : Engouang Ondo décide de faire respecter la parole de Nkabe Mbourou le père d’Eyenga qui lui avait promis Eyenga en échange de sa vengeance. Il combattit pendant des jours Oveng Ndoumou et réussi à gagner le combat donc à venger Nkabe Mbourou. Il ne peut céder Eyenga, car celle-ci lui avait été promise à lui et non au tortionnaire de son père. Engouang Ondo démontre encore une fois qu’il respecte scrupuleusement les lois en faisant ce qui est juste avec sagesse et équité.

Conclusion

L’histoire d’Eyenga Nkabe, d’Oveng Ndoumou Obame et d’Engouang Ondo est une exploration de la sagesse et de la force dans le cadre des valeurs Ekang. Cette épopée souligne que la vraie grandeur n’est pas dans la conquête et la domination, mais dans la modération, le respect des liens familiaux et des traditions et la capacité de réconcilier des ennemis par des actes de bonté et de compréhension. Cette morale, ancrée dans l’éthique et la culture Ekang, révèle une philosophie de paix fondée sur le respect de soi, des autres et des lois de la nature.

Note de référence :

Tsira Ndong Ndoutoume, le Mvett épopée Fang, Présence Africaine