EMUMULUMU MBA ET EMOMORO / IMOMORO
Le Mythique « Mangeurs d’hommes » chez les Ekang : La Légende d’Emumulumu Mba
En juin 1954, M. Atangana Amougou et M. Simon A, un Bënë du clan Mvog Amougou d’Akie près de Minkan, consignèrent un texte fascinant qui raconte l’histoire épique des Ekang, leur construction de la tour de Babel, leur migration, et la traversée de la Sanaga. Ce texte mystérieux évoque un personnage légendaire : Emumulumu Mba, surnommé le « mangeur d’hommes ». Ce chef cannibale, fils de Mebe Koa et de Nana Ngoge, et frère de Mot Mëbë et d’Ekotan Ngobeyo, premier chef, celui qui construisit la Tour de Babel. Emumulumu Mba nourrit l’imagination et les frayeurs des générations.
Philippe Laburthe-Tolra, dans son ouvrage « Les Seigneurs de la Forêt » à la page 53, cite M. Atangana Amougou et M. Simon A, qui nous apprennent qu’à la mort d’Ekotan Ngobeyo à la suite de la ruine de la Tour de Babel, la chefferie échut à Emumulumu Mba. Celui-ci nomma deux de ses neveux orphelins comme policiers (bezimbi) et leur transmit ses pratiques cannibales, qui furent ensuite perpétuées par leurs descendants, les Omvan et les Maka. Cette légende alimenta la réputation des Maka en tant que cannibales redoutés (ndlr).
Laburthe-Tolra poursuit en rapportant que Emumulumu Mba ne pouvait manger ni gibier, ni oiseau, ni poisson, mais seulement l’homme. Lorsqu’il jugeait ses sujets, il mangeait celui qu’il avait condamné et vidait son pays. Pour sauver les captifs de son frère, Mot Mëbë, l’aîné, échafauda une ruse audacieuse. Il promit à Emumulumu Mba de lui rapporter un gibier plus gras qu’un homme, mais s’enfuit avec ses hommes. Quatre mois plus tard, les troupes de son frère, composées de 60 guerriers et 300 esclaves dirigés par l’épouse favorite d’Emumulumu Mba, le rattrapèrent.
S’ensuivit une bataille sanglante. L’armée de Mot Mëbë massacra les guerriers ennemis ainsi que l’épouse d’Emumulumu Mba, libérant ainsi les esclaves. Ces esclaves libérés constituent les 16 familles suivantes : Yemesum, Mvog Ebôô, Oyek, Angok, Yemedu, Yanda, Osa, Angon Woa, Obege, Ola’a, Fong, Elende, Ewondo, Ngui, Yembam et Yenke. Elles furent accueillies par Mot Mëbë. Son fils unique, Edam Noa Bong, hérita de ces familles.
Lorsque Emumulumu Mba tenta de se venger, un miracle divin intervint. Des anges se placèrent entre les deux frères, les empêchant de se voir et de s’affronter. Mot Mebe et les seize familles s’établirent alors sur les rives du fleuve Yôm ou Sanaga, formant une nouvelle communauté prospère.
L’héritage du nom « Noa » semble avoir perduré chez les Ekang par Edam Noa Bong. Le récit de Atangana Amougou et Simon commence d’ailleurs avec Noé et la tour de Babel, suggérant que Noé (ou Noa/Noah) serait l’ancêtre originel des Ekang.
Emumulumu Mba, connu sous le nom d’Emomoro chez les Ewondo ou Imomoro chez les Eton, demeure ce monstre légendaire dont l’évocation seule suffisait à terrifier la communauté.
Le conte d’EMOMORO / EMOMOTO
Séverin Cécile Abega, auteur camerounais renommé, nous plonge dans l’univers effrayant et fascinant de l’ogre Emmoto, connu sous le nom d’Emomoto en langue Bulu. Dans son ouvrage « Contes du Sud du Cameroun », Séverin Cécile Abega décrit « l’ogre humanoïde de la forêt d’Emomoto » comme une créature gigantesque, capable d’engloutir tout un royaume. Tous ceux qui ont croisé son chemin ont fini dans son ventre vorace, jusqu’à ce qu’un enfant courageux parvienne à taillader ses intestins, en enduisant chacune de ses blessures de sel et de piment pour vaincre le monstre.
La légende d’Emomoro dans les contes Ekang semble résonner avec celle d’Emumulumu Mba.
Philippe Laburthe-Tolra, dans son ouvrage « Les Seigneurs de la Forêt », à la page 55, cite une source non mentionnée qui parle d’un ancêtre nommé KODOGODO, surnommé NNE BODO selon la source. KODOGODO avait trois enfants : Edam Noa Bong, père des Bënë ; Beti Be Kolo, fondateur des Menguisa et des Bafia ; et Essom Ndana, fondateur des Ewondo.
KODOGODO, lors de ses parties de pêche à l’épuisette au lieu-dit Nachtigal (région du centre du Cameroun), priait en ces termes : « Seigneur, où irons-nous ? Dans la bouche des poissons ou dans la bouche d’Emumulumu Mba ?… » Cette invocation dramatique souligne la terreur qu’inspirait Emumulumu Mba, un personnage dont le nom seul suffisait à provoquer la peur.
Ainsi, Emumulumu Mba serait-il Emomoro ?
Notes de références :
- Les Seigneurs De La Forêt – Essai Sur Le Passé Historique, L’organisation Sociale Et Les Normes Éthiques Des Anciens Beti Du Cameroun – Philippe Laburthe-Tolra
CONTES DU SUD DU CAMEROUN : BEME ET LE FÉTICHE DE SON PÈRE, Séverin Cécile Abega